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NELKEN PINA BAUSCH théâtre de la ville
Les œillets de PINA : pas PEANUTS
  • 15 May 2015/
  • Posted By : Marion Boucard/
  • 0 comments /
En ce joli week-end de mai où il est facile de succomber à l’appel de l’apéro, ce serait dommage de passer à côté de Nelken (les Œillets), une pièce fondatrice de la danseuse et chorégraphe allemande Pina Bausch (1940-2009), créée en 1982 et remontée à Paris après 25 ans d’absence.

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Sur la scène du Théâtre de la Ville, un immense champ d’œillets roses fait instantanément palpiter les pupilles, puis l’infinie délicatesse des danseurs évoluant avec mille précautions sur ce parterre printanier laisse envisager une excellente soirée (malheureusement, point d’odeur bucolique enchanteresse : les 8000 fleurs en tissu sont importées de Bangkok). Le décor, du scénographe allemand Peter Pabst, a été imaginé suite à des discussions où Pina évoquait sa fascination pour les champs de tulipes en Hollande et au Chili, les œillets ayant été choisis pour « leur caractère très formel, “bourgeoisement” correct des années soixante ».
Les costumes gris – chemise blanche cravate pour les hommes et les robes longues de mousseline pastel pour les femmes – paraissent également surannés au premier abord. Mais, dès la deuxième scène, les hommes revêtent la robe, de satin jaune ou pistache et de préférence trop petite, bousculant le récit dans un chaos burlesque sympathiquo-tragique, puisqu’ils fuient des maîtres chiens et leurs bergers allemands quadrillant le pré. Les danseurs travestis s’appliquent à détaler à quatre pattes, comme des lapins, la robe étriquée remontant sur leurs fesses à chaque enjambée, dévoilant leurs gambettes velues jusqu’au slip kangourou blanc. Hilarant. Une proposition qui évoque les attendrissants drag queen vieillissantes de Gardenia (2010) d’Alain Platel, et qui a toute sa place dans la genèse de la tendance du transgenre au théâtre (lire notre article Voyage entre les genres). Cette scène ubuesque aurait pu être citée dans Biopigs (mars 2015, au Théâtre des Amandiers), le dernier spectacle de Sophie Perez et de la compagnie du Xerep, rompus à la pratique du mauvais esprit, qui propose une succession de numéros parodiques autour de figures tutélaires de différents artistes.

Un acte fondateur
Pina Bausch rompt avec la danse conventionnelle au milieu des années soixante-dix et introduit le concept de danse-théâtre, d’où le nom de sa compagnie Tanztheater Wuppertal (sa ville en Allemagne). Dans la lignée des œuvres iconoclastes que livre Robert Wilson à cette époque (Einstein on the Beach en 1976 pour ne citer que celle-ci), elle impose au fil de ses créations une signature puissante qui ne cesse d’inspirer ses contemporains.
Dans Nelken, les longues rangées de fauteuils déplacés du fond de la scène à l’avant par des danseurs hyper-actifs, font écho au passage des secrétaires faisant corps avec leurs chaises de bureaux dans Suivront 1000 ans de calme d’Angelin Preljocaj (2010). Ou encore le solo dans lequel Dominique Mercy s’épuise à enchaîner des entrechats, pirouettes et grands jetés, interpellant le public en disant « Vous voulez voir quoi d’autre ? Hein ? Vous voulez voir quoi ? », évoque le workout méga intense de huit danseurs devenus machines à rythmes parfaitement synchronisées dans The Dog Days Are Over (2014) du jeune danseur et chorégraphe belge Jan Martens (en mars au festival EXIT, à la Maison des arts de Créteil).

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Panser le monde
Nelken est donc une œuvre fondatrice foisonnante et passionnante qui s’inscrit au cœur de l’arbre généalogique de la danse contemporaine. C’est un voyage au pays des rêves qui raconte l’insouciance de l’enfance face au monde rigide des gardiens de la morale, castrateurs de créativité (l’un des personnages assène méthodiquement des « Votre passeport s’il vous plaît »). On pardonne vite les quelques longueurs de la traversée : le narratif prend parfois trop d’espace et mériterait de s’éclipser devant le jaillissement de la danse.
Pourtant, des moments d’intimité magiques fleurissent, comme dans ce passage où chacun révèle au public l’instant où il a pris la décision de devenir danseur. Pina encourageait l’investissement personnel et notait dans son carnet toutes phrases ou idées survenues pendant les répétitions. Elle avait pour l’être humain une compassion désabusée. Même pour les œillets cassés pendant la bataille : elle avait imaginé qu’ils seraient “consolés” par les danseurs. Cette idée n’a pas été conservée, mais ce sont les spectateurs qui sortent de la salle consolés et apaisés.

Par Marion Boucard

Nelken (Les Œillets) de Pina Bausch
Théâtre de la Ville, Paris
Jusqu’au 17 mai


Simon Hallström Une ile flottante Das weiss vom Ei
Le charme très indiscret de la bourgeoisie
  • 17 March 2015/
  • Posted By : Standard/
  • 0 comments /
Deux grands metteurs en scène burlesques s’abandonnent aux joies du théâtre jubilatoire dans deux des plus beaux théâtres de Paris : Jean-Christophe Meurisse et ses Chiens de Navarre aux Bouffes du Nord et Christoph Marthaler à l’Odéon.
Chiens de Navarre dans Les Armoires normandes Philippe Lebruman les armoires normandes bouffe du nord

Les Armoires normandes © Philippe Lebruman 

Pendant que, rive droite, Les Armoires normandes dégueulent frénétiquement une multitude de selfies sur la vie de couple – rencontre, noce, accouchement, divorce et séances de thérapie chez la psy –, les patins sont recommandés rive gauche pour pénétrer dans l’appartement empesé de petits bourgeois tentant d’unir leur progéniture comme au XIXe siècle. Das Weisse vom Ei (Une île flottante), la nouvelle pièce du dramaturge allemand Christophe Marthaler est une adaptation délurée de La Poudre aux yeux d’Eugène Labiche (1862).

Distanciation ironique et ressorts comiques sont maniés de mains de maîtres par les deux metteurs en scène. Le trait commun : la satyre de la petite bourgeoisie.

Fidèles à leurs habitudes, Les Chiens de Navarre accueillent le public dès son arrivée (chaque spectateur était appelé à dire “présent” à l’annonce de son nom, comme à l’école, dans Une Raclette en 2008). Cette fois, c’est carrément le Christ ensanglanté, cloué à sa croix en lévitation dans la magnifique nef du théâtre des Bouffes du Nord, qui harangue les fidèles spectateurs cherchant leurs places : « Je ne suis attaché à aucune religion » clame t-il avant d’entamer sa descente. Le dispositif est super efficace et le nouveau public est conquis en un clin d’œil. Mais, même si trois nouveaux comédiens renforcent la meute (Solal Bouloudnine, Claire Delaporte, Charlotte Laemmel), les scènes qui s’enchaînent à toute allure ont un goût de déjà traité, laissant les adeptes les plus fidèles sur leur faim.

Simon Hallström Une ile flottante

Une île flottante © Simon Hallström

Il faut se préparer à un autre rapport au temps chez Marthaler. Pour résumer Une île flottante, autant dire que plus il est difficile de planter la cuillère dans le blanc en neige fuyant sur la crème anglaise, plus le plaisir que la bouchée procure est savoureux.
Le Suisse nous avait déjà fait rire au larmes avec la mise en scène tout en finesse burlesque de King size en 2013, qui reprenait les codes du théâtre de Boulevard (les amants dans les placards etc), il récidive avec ce Vaudeville du siècle dernier, où les portes sont sensées claquer de façon effrénée.

Suite à une auto présentation franco-allemande gauche – les problèmes de langues deviendront prétexte aux quiproquos – des deux familles de rentiers devant le rideau (Les Malingear, le couple de Français voulant marier leur fille et les Ratinois, les Allemands voulant marier leur fils), la pièce s’installe dans une immobilité et un silence qui paraissent interminables. Sobrement interrompu par les douze coups incessants d’une horloge, ce temps mort nous laisse le loisir d’observer le minutieux décor de l’Allemande Anna Viebrock : lustre à ampoules torsadées, cheminée pistache, fauteuils en velours marron, masques africains de travers, platine vinyles et sa coque fumée, transistors rétro, lampes et vases dépareillés et surtout de grands tableaux représentants les hôtes, assis dignement sous leur portrait, dans la même position et habillés à l’identique :  la mise en abîme fait mouche. Enfin, le mari s’exclame : « – Je me lance », ce à quoi sa femme répond d’un succulent : « – A cinquante-quatre ans il est temps ! ».

Les comédiens, soudés autour du metteur en scène depuis de nombreuses années – Meine faire dame (Un laboratoire de langues), King Size, Letzte Tage, pour ne citer que les dernières pièces –  sont excellents.  Plus les personnages s’enlisent dans leurs maladresses, plus le plaisir de les voir jouer et chanter est grand. C’est tendre et réconfortant, comme partager un dessert à la table d’Alfred Hitchcock et Jacques Tati.

Par Marion Boucard

Les Armoires normandes
Une création des Chiens de Navarre, dirigée et mise en scène par Jean-Christophe Meurisse
Bouffes du Nord, Paris
Jusqu’au 22 mars
Puis en tournée jusqu’à juin

Das Weisse vom Ei (Une île flottante) d’après Eugène Labiche par Christoph Marthaler
Odéon Théâtre de l’Europe, Paris
Jusqu’au 29 mars


Sebastien Vion par Thibault Montamat
Voyage entre les genres
  • 2 October 2014/
  • Posted By : Marion Boucard/
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Parent pauvre du théâtre, le cabaret de travestis dévie les sens des scènes conventionnées. Portrait d’une génération XXY, où le travelo devient artiste transgenre.
Thibault Montamat brian perfomeur standard

Brian Scott Bagley, maître de cérémonie des soirées Buzz © Thibault Montamat

La première gay pride a eu lieu à New York en 1969. Parallèlement à l’affirmation d’un style de danse, le voguing, elle entérine le principe que les moments fondateurs de la contre-culture sont marqués par la présence de travestis. En France, la révolution gay du spectacle vivant se fait avec la troupe des Mirabelles, qui présente sa première pièce, Fauves, en 1974, en off du festival d’Avignon. La vieille garde du spectacle « pour homme » lui reproche de lui piquer des parts de marché. Trois ans plus tôt, Jean-Claude Dreyfuss, alias Erna von Scratch débutait sa carrière de transformiste chez La Grande Eugène. Il sera le premier à pousser la théâtralité de personnages ambigus du théâtre au cinéma. Vingt ans plus tard, d’autres artistes font du travestissement une représentation théâtrale à part entière : parisien depuis 1970, l’Américain Mark Tompkins rend un Hommage à Joséphine Baker (1996) en quatre actes, célébrant les chanteuses de cabaret. Olivier Py invente Miss Knife en 2000 puis dirige Michel Fau en rombière monochrome dans Les Illusions comiques en 2006. Tout comme les chorégraphes Alain Platel (Gardenia en 2010), Christophe Haleb (Domestic Flight en 2006), Christian Rizzo (Et pourquoi pas : “bodymakers”, « falbalas », “bazaar”, etc., etc. en 2001) ou Daniel Larrieu (Divine en 2012), qui développent la réflexion sur l’identité et le genre.

La frontalité des couilles mouillées
Cette année, un nouvel outing bouscule les sérieux théâtres de Chaillot, de Vanves, de Malakoff ou de la Cité internationale. C’est sur cette scène, dans Le Cabaret calamiteux, que Camille Boitel interprète une acrobate aux cheveux longs et robe blanche. Rien de sulfureux dans ce lieu de désordre et de joie, si ce n’était que tous les spectateurs masculins sont invités à se travestir avec faux seins et talons compensés. Les premiers arrivés s’assoient autour de tables à même le plateau, dans une disposition qui singe la configuration spatiale des salles de Pigalle. Dans le grand foyer du théâtre de Chaillot, pour une soirée unique en février, l’élégant New-Yorkais Mx Justin Vivian Bond donne son récital Love is Crazy avec pour décor, derrière la fenêtre, la scintillante tour Eiffel. Il s’y dévoile sans hystérie, ni chichi, deux heures durant, essaie de s’accompagner au piano pour une ultime chanson, mais oublie les paroles puis renonce, se confondant en excuses. Follement attendrissant.

Moins glamour, le duo de metteurs en scène italiens Ricci/Forte invitait le public du théâtre de Vanves à visiter la cuisine (Faust), puis les toilettes (Didon) de leur Wunderkammer Soap (en janvier). Assis sur des tabourets en plastique, les spectateurs assistent au bain de Didon, une prostituée de seconde classe tentant désespérément de se métamorphoser en Nicole Kidman. Une mise à nu furtivement voilée par un manteau de fourrure trop court, dont les poils dégoulinants se confondent avec la toison intime de l’acteur. C’est sans fard et avec des bleus sur les fesses. La justesse et la proximité déconcertante de cet exercice de « transvestisme » créent un moment suspendu d’une rare hauteur.

Loin de la sage dualité du Stromae de Tous les mêmes, dès le quatrième morceau de Miss Knife chante Olivier Py, le tout nouveau directeur du festival d’Avignon jette sa perruque au sol, mais, coquet, change de boucle d’oreille en même temps que de costume. Sa transformation en femme demande plus de deux heures, mais il s’arrange pour rester un mec avec du poil sous les bras, sans être assigné à une identité sexuelle : « Ce n’est pas parce qu’on est un hétérosexuel de base que l’on n’a pas le droit d’aimer les bougies parfumées », dit-il dès le début du spectacle, qui tournait en janvier.

Le Kabaret Warszawski, présenté l’été dernier en Avignon et repris à Chaillot en février par Krzysztof Warlikowski, exprime, lui, les dangers qui menacent nos démocraties. Dans une forme libre, détachée, permettant d’instaurer un langage s’affranchissant de toute convention et de toute obligation envers l’intrigue et la narration, le Polonais pointe du doigt (verni) la montée du nationalisme et du racisme. Les tabous explosent, chacun suit ses inclinations. Dans ce lieu d’échange et de réflexion, la seule note gaie et porteuse d’espoir à la fin des quatre heures trente de spectacle reste la clameur du meneur de revue : « Y a-t-il encore des gens qui ressentent de l’amour ? »

Jouissance maximum 
Pour ces performeurs excellant dans l’art sensible du don de soi, le travestissement est une nécessité intime, un vecteur de créativité et un acte subversif. Brian Scott Bagley (ci-dessus), chanteur et chorégraphe boylesque originaire de Baltimore Buzz les soirées du mercredi au bar du Très Honoré à Paris. Le maître de cérémonie, dont les talons aiguilles sont ses baguettes magiques, est devenu parisien suite à une audition avec Jérôme Savary (pour la pièce À la recherche de Joséphine en 2006). Il est le plus inattendu héritier de la danse des bananes de Joséphine Baker. Comme elle, il poursuit son rêve de conquête de l’Europe. Son spectacle Cabaret Me, I’m famous est présenté en mai au Théâtre de Poche Graslin à Nantes. À Paris, également les mercredis, sa consœur féministe et drag king Louise de Ville domine la soirée Pretty Propaganda à la Manufacture Bar Rock, et l’éphèbe Arthur Gillet s’abandonne dans les galeries d’art, The Man Inside Corrine (Sébastien Vion de son vrai nom, voir ci-dessous) agit souvent derrière les platines ; Lola quotidiennement sur les planches de la Revue Mugler Follies, et sa complice Solange fait du hosting [accueillir les invités] au Badaboum ou au Yoyo les soirs de fête. Lola et Solange ont créé en décembre l’émission Les Poupées de Paris, enregistrée un samedi par mois sur radiomarais.fm au Café Français, place de la Bastille. Leurs invités : Régine, Jenny Bel’Air (lire l’interview de la mythique physio du Palace dans Standard n° 30) ou Betony Vernon, « anthropologiste sexuel ». On y parle d’un Paris transgenre et cultissime avec des conseils mode en bonus. Le plus queer de la famille signe des performances adulées : François Chaignaud se produisait femme dès 2010 dans (M)imosa, une collaboration chorégraphique sur le thème de l’identité qui rend hommage au voguing tout en explorant la faille entre le désir et l’impossibilité de devenir autre. Depuis, ses ongles incroyablement longs et impeccablement peints ne le quittent pas : « Il ne s’agit pas d’atteindre une illusion de la féminité, mais plutôt de faire coïncider la logistique de l’apparence à la machinerie du désir », explique-t-il. Car si le double masculin ou féminin est avant tout une prolongation de l’être, un travail précieux pour exploser les normes et interroger, encore et toujours, la différence, il autorise surtout à trouver les moyens de jouir de notre liberté au maximum.

Par Marion Boucard

Les Poupées de Paris
Sur la web radio radiomarais.fm
Un samedi par mois de 20h à 22h

Soirées Buzz
Les mercredis à 21h au Bar du Très Honoré, Paris 1er

 

Thibault Montamat Sebastien Vion TBC performeur transgenre

Sébastien Vion © Thibault Montamat

The Man Inside Corrine

Comédien DJ issu de l’univers circassien et du théâtre de rue.
Un clown sous acide et une supervixen hystéro-électro, Corrine a beaucoup de monde au balcon. « J’aime déstabiliser en imposant le doute. Mes créatures sont des vecteurs, des messagers, des traducteurs ; on peut les considérer non pas comme des super-héros, mais des hyper-moi. »   Corrine était chroniqueuse pour Pink TV en 2008 et 2009.
Où le voir ? Dans les clubs, les festivals, les événements privés.
Sac ajouté à son costume : Lancel.

 

Thibault Montamat portrait François Chaignaud femme performeur

François Chaignaud © Thibault Montamat

François Chaignaud

Chorégraphe rennais, diplômé du Conservatoire supérieur de danse de Paris.
Il se travestit dès l’âge de 5 ans. La scène renforce ce désir de créature extraordinaire : « Il m’importe de créer des figures scéniques sans le cynisme, le deuxième degré, l’excès ou la laideur qui prouveraient que les travestis sont des anomalies amusantes. » Dans Pâquerette en 2008, il danse avec un flacon de cristal fiché dans le fondement, ce qui lui vaudra de figurer dans cette posture dans Standard n° 24, spécial Fesse.
Où le voir ? Dans Думи мої – Dumy Moyi les 17 et 18 juin aux Latitudes Contemporaines à Lille, et les 19 et 20 septembre à la Biennale de la danse de Lyon.
Sac ajouté à son costume : Chanel.

 

Thibault Montamat portrait Louise de Ville perfomeuse transgenre

Louise de Ville © Thibault Montamat

Louis alias Louise de Ville

Comédienne burlesque débarquée du Kentucky en 2005, les valises pleines de paillettes.
Cette féministe mâle active mêle humour et provocations engagées dans ses soirées hebdomadaires, et anime des workshops où l’on apprend à se transformer en mec (Chez Orphée, 7 rue Pierre-Fontaine, Paris 9e). « Incarner l’idée du machisme, c’est placer son poids, se diriger avec le sexe, dominer l’espace et le temps. » Dans son show, elle enflamme un gode.
Où la voir ? Aux soirées Pretty Propaganda les mercredis à 21h à la Manufacture Bar Rock, 42 rue Rochechouart, Paris 9e.
Sac ajouté à son costume : Hermès.

 

Arthur Gilet perfomeur trans genre Thibault Montamateur transgenre Thibault Montamat

Arthur Gilet © Thibault Montamat

Arthur Gillet

Incubateur de liberté, diplômé de l’École des beaux-arts de Rennes.
« La lecture d’Orlando de Virginia Woolf m’a permis de quitter les regrets d’un déphasage entre une apparence masculine et une sensibilité que je pensais féminine. Aujourd’hui, je me considère homme le plus souvent et je sais que la vulnérabilité rend cette conviction inutile. » C’est lui qui déambulait nu au vernissage de l’expo Nu masculin au musée d’Orsay le 23 septembre dernier.
Où le voir ? Dans les soirées, les galeries, les vernissages, les musées.
Sac ajouté à son costume : Vivienne Westwood.


Festival d'avignon 2014. programme
FESTIVAL D’AVIGNON : faire court et confus
  • 21 July 2014/
  • Posted By : Marion Boucard/
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« Apprenez à faire court et confus » disait Napoléon. Un conseil que l’on aurait aimé que les metteurs en scène du 68e Festival d’Avignon suivent plus souvent.

Festival d'avignon 2014. programme

Nul amateur de théâtre se saurait manquer son pèlerinage culturel à la cité des Papes chaque mois de juillet. Deux festivals, deux classes. Tout d’abord le «  IN » (35 pièces dont 28 créations pour 130 000 places), la partie officielle, créée par Jean Vilar en 1947, à l’origine du mouvement de décentralisation du théâtre public et dont la direction est pour la première année assurée par le comédien auteur metteur en scène Olivier Py. La deuxième classe, le « OFF » (1300 pièces quotidiennes), symbolise la vivacité du théâtre tout public. Il tisse sa toile sur la ville comme une araignée, l’engloutit de ses affiches en carton, transformant la moindre parcelle en mur des lamentations du spectacle vivant. Ses décors sont pauvres, son humour est souvent graveleux et ses comédiens payés parfois 250 € par mois pour jouer tous les soirs, sauf le 14 juillet, et, promo oblige, pour déambuler en costume les après-midis sous 40° C.

Spectacle au clair de lune
En plus de son budget de 12 M €, la force du IN est de nous faire découvrir les plus beaux lieux du centre historique, notamment la cour d’honneur du Palais des Papes, le site emblématique du festival pouvant accueillir 2000 spectateurs. L’émotion vous cueille à peine ses portes franchies. Le Cloître des Célestins, la cour du Lycée Saint-Joseph, Le Tinel de la Chartreuse de Villeneuve lez Avignon sont autant de lieux aux noms évocateurs qui permettent aussi, en cas d’ennui, de se perdre dans les étoiles ou de se laisser distraire par le chuchotement des feuilles dans la brise du soir. Quoique la première semaine, il fallait mieux prévoir sa doudoune et ses chaussettes, car les couvertures en polaires offertes étaient rarement assez nombreuses. La pluie qui s’est invitée a annulé des représentations et même, les mouvements sociaux.

Festival d'avignon 2014. ticket

« Non, merci… ». La plupart des spectacles commençaient de cette manière. Par une lettre ouverte des intermittents au gouvernement énoncée en voix off. Entendu également, le discours de Victor Hugo à l’Assemblée Nationale le 10 novembre 1849 – « … une faute politique certaine. C’est dans cette dernière catégorie que je range les réductions proposées par le comité des finances sur ce que j’appellerai le budget des lettres, des sciences et des arts… ». Il était de bon ton de signaler son soutien aux intermittents en épinglant un petit carré de feutre rouge au revers de sa veste. Mais à part le premier jour de grève, cette saison n’aura pas été trop perturbée.

Avignon 2014 Don Giovanni baisé

On peut embrasser Don Giovanni à pleine bouche

Guerre et tradition
Plus troublant était de constater le retour à un théâtre conventionnel au rapport à la scène et au public traditionnel, avec des textes faisant référence à la guerre, époque napoléonienne (Le Prince de Hombourg de Kleist, mise en scène par l’Italien Giorgio Barberio Corsetti) ou encore au Christ (Huis du Belge Josse De Pauw). Sans toutefois tomber dans le répertoire classique (aucun Molière, Racine ou Feydeau), le choix artistique d’Olivier Py assume la rupture avec ses prédécesseurs, qui avaient ouvert le festival vers les arts plastiques, accueillant performances et spectacles déambulatoires, facilitant l’exploration de la ville tout azimut. Un seul, avec une jauge de 40 personnes est au programme, alors qu’en 2013, Sophie Calle, paradant sur son lit, nous invitait dans sa Chambre 20 de l’Amirande, l’hôtel de luxe le plus convoité de la ville et les Allemands de Rimini Protokoll (Remote Avignon) nous guidaient à travers le tissu urbain dans une visite inédite entre l’université, le super U et l’Opéra. Notre curiosité était satisfaite tant au niveau de la forme que du fond.

Le second défi d’Olivier Py consistait à ouvrir les portes du royaume de France. Vingt-cinq artistes internationaux foulent pour la première fois les scènes avignonnaises. Dans un souci « d’axes transversaux », il invite Japonais, Chiliens, Brésiliens, Grecs et Égyptiens, confortant la réputation inégalée de l’événement en tant que fenêtre sur la création mondiale. La quasi-totalité des spectacles est sous-titrée. Le cerveau virevolte entre le jeu et la traduction sur l’écran.

Festival d'avignon 2014

The Humans d’Alexandre Singh

Affirmatologie*
Heureusement quelques créations éclairaient la première semaine de cette édition d’un esprit subversif et déconnant : Orlando ou l’impatience, d’Olivier Py, The Humans, la première pièce du plasticien franco-anglais d’origine indienne Alexandre Singh et Don Gionanni, Letzte party de l’Allemand Antu Romero Nunes, ont en commun une écriture décomplexée, cynique et drôle, une mise en scène intégrant les spectateurs et des décors aux partis pris simples et forts. Que l’on assiste à cette comédie d’apprentissage hystérique et politique, ce conte scato-grotesque ou cet opéra foutraque, on sort avec la banane des heureux d’avoir partagé un moment dédié à la liberté de vivre et à la gloire d’aimer. « Continuez à être joyeuses mesdames, j’ai besoin de vous » scande Don Giovanni, que l’on peut embrasser à pleine bouche sur scène pendant l’entracte, lors d’une private party réservée aux femmes.

Lassé du théâtre qui ne pose que des questions, Olivier Py donne des réponses et livre quelques clefs pour vivre mieux : manger du magnésium, expirer le plus souvent possible, redresser la colonne de l’humanité souffrante grâce à l’ostéopathie, dire systématiquement oui. Sa pièce est encore un peu longue (3H40) mais délicieusement confuse.

* L’affirmatologie est un théorie positiviste issue d’Orlando ou l’impatience d’Olivier Py

À voir encore :
Intérieur, Claude Régy jusqu’au 27 juillet


Chris Esquerre ©Christophe Meireis
Chris Esquerre : « Ne pas devenir un industriel de l’humour »
  • 24 April 2014/
  • Posted By : Richard Gaitet/
  • 0 comments /
En 2009, Chris Esquerre confiait sa “tétanie” pour la scène. Cinq ans plus tard, l’ex-chroniqueur de l’Edition Spéciale de Canal+ triomphe aux Bouffes Parisiens dans son costume de conférencier je-sais-tout, assénant ses théories aberrantes et irréfutables jusqu’au 28 juin. Dans Standard n°25, cet adepte du non-sens en chemisette de banquier de province évoquait son autre terrain de prédilection : le petit écran.
Chris Esquerre ©Christophe Meireis

©Christophe Meireis

Te voilà à la barre de Télé Oléron. Qu’est-ce donc ?
Chris Esquerre : Une télévision locale dont je suis le directeur des programmes et l’unique intervenant. Au-delà de la plaisanterie, deux minutes par semaine, j’envisage une chaîne entière avec une liberté totale. A la fin de l’émission Pop Com, on bascule dessus comme si quelqu’un trifouillait votre antenne – une obligation. On tombe à un moment aléatoire, ce peut être un film, une pub, un débat sur De Gaulle intime, parfois de vrais invités dont j’annonce les révélations exclusives… puis retour sur Pop Com. Ce n’est pas vraiment de la parodie. Plutôt de la pure fantaisie – avec du sens, sinon ce n’est pas drôle.

Deux minutes, c’est court, non ?
Quand on est soigneux, c’est suffisant. Je ne veux pas devenir un industriel de l’humour. Pour faire croire à un sommaire complet, il faut plein de plans très vivants – que je mets en scène et réalise moi-même avec un cadreur malin. Je cherche aussi les musiques. Ça va être un test : cela m’entraînera-t-il vers de nouvelles formes, la télé pourra-t-elle m’accueillir ? Je le fais aussi pour voir les limites de l’innovation télévisuelle – car le but n’est pas la dérision permanente.

Pourquoi Oléron ?
Je voulais un nom d’île connue. Télé Guernesey ? Télé Ré ? C’est un léger clin d’œil au film Liberté-Oléron [Bruno Podalydès, 2001]. Le responsable de l’office de tourisme m’a contacté et je l’ai rassuré : nous n’en parlerons que de loin, je n’irai que deux, trois fois dans l’année. Mais j’espère, comme Fort Boyard, un partenariat avec la Région qui me permettra d’obtenir un hélicoptère.

Est-ce absurde ?
J’ai horreur de ce mot : trop de gens pénibles font de « l’absurde » au sujet d’une poivrière qui mange une fourchette tandis qu’un canard s’envole. Ce n’importe quoi consternant me met mal à l’aise. Tout doit relever d’une réalité. Je dirais plutôt surréaliste. Je déteste aussi « lunaire » : on dirait un ado mal dégrossi qui ferait de la poésie. Ni « hurluberlu ». Il est bon ce tartare, hein ? Un peu gras, mais bon.

Chris Esquerre portrait ©Christophe Meireis

©Christophe Meireis

Chris Esquerre : « J’espère un partenariat avec la Région qui me permettra d’obtenir un hélicoptère, comme à Fort Boyard. »

Joues-tu de ton physique un peu « tombé du nid » ? Décoiffé, mal rasé, habillé en noir ?
Je ne suis pas un éléphant ! Mais c’est vrai, je joue de gestes surannés et j’ai toujours l’air de débarquer sans me soucier des codes de la télévision. Je mise sur le fait de n’avoir aucun style. Ce n’est pas très dur d’innover à la télé : il suffit d’être un peu différent. On reprend du vin ?

Parallèlement, prépares-tu réellement un spectacle à partir de ta fameuse Revue de presse des journaux que personne ne lit ?
C’est en cours, pour 2010. Je vais m’appuyer sur la revue de presse comme fil rouge, je donne à voir un existant, ce n’est pas un monologue. Mais il y aura des éléphants.

Y pensais-tu depuis longtemps ?
Un an ou deux. C’est un passage obligé, mais ça me tétanise. Avant, l’idée de se retrouver seul dans le noir devant des gens qui ont payé pour te voir te répandre pendant une heure m’était insupportable. Et puis… à Canal, j’ai eu l’impression d’être un cosmonaute resté au sol. Il fallait que j’essaye, bien que je sois entré à la télé pour y devenir un professionnel du divertissement, pas pour investir une vitrine en vue d’un spectacle. Des producteurs m’ont approché, mais je me complique la vie : je cherche quelqu’un qui serait, idéalement, mon coach et mon mentor pour quarante ans. La rascasse, c’est pour toi ? Mes seuls modèles assumés, conscients, revendiqués, ce sont les Deschiens. Je connais aussi tous les sketchs de Coluche.

Et l’émission Repérages de comiques, présentée en septembre sur Canal+ Décalé, c’est un « Chris Comedy Club » ?
Pas du tout. Je ne les sélectionne pas, je n’y suis pour rien dans leur talent – certains sont très avancés. Je suis leur Jean-Pierre Foucault, le passe-plat : j’introduis. Je ne fais pas de sketch. C’est un one shot appelé à se reproduire et ça m’a beaucoup amusé. On en arrive à ma théorie générale sur l’audiovisuel hexagonal.

Quelle théorie ?
La télévision française est un peu frileuse avec l’humour. Les comiques restent souvent dans leur exercice restreint, alors que ne pas être exactement à sa place, c’est une garantie de divertissement. Les animateurs de jeu, par exemple, Patrice Laffont ou Jean-Luc Reichmann, ne présentent pas sérieusement, et c’est bien… par rapport à d’autres qui cherchent à créer un moment de télévision, qu’on attend scotché à l’écran, alors que tout est fait pour que ça n’arrive pas.

D’où pourrait venir ce décalage ?
Imagine un peu ça annoncé partout dans la presse : « Lundi, le JT de la Une sera présenté par un enfant de 12 ans. » Un gosse en costard-cravate, un peu doué, qui lirait très attentivement de vraies infos préparées par TF1. La France entière regarderait et les audiences se stabiliseraient à un niveau très élevé – quitte à entendre des trucs chiants, autant qu’ils soient dits par un enfant. Qui oserait ? Figure-toi que j’en ai discuté avec Rodolphe Belmer [directeur général de Canal+].

C’est un scoop ?
Non. Mais sur le principe, il a accepté de tourner un pilote où je co-présentais le JT. Ça a été testé. Pas été si probant, car en costume j’ai l’air d’un journaliste d’i‑Télé un peu spécial ou pas au point. Le décalage n’était pas assez grand. Mais j’ai adoré. Moi, je cherche à sortir de mon rôle : j’adorerais qu’on me propose le 20 Heures. Hip ! Tu ne retranscriras pas ce hoquet, hein ? —

Chris Esquerre aux Bouffes Parisiens jusqu’au 28 juin

 

 

 

 


Bushman,-male-specimen---EXHIBIT-B
Africa, obéir à tes voix
  • 23 January 2014/
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Le Congolais Dieudonné Niangouna, premier artiste-associé africain du Festival d’Avignon, présente le ballet Au-delà au Mac de Créteil, tandis que les tableaux vivants du Sud-Africain Brett Bailey, Exhibit B, sont repris au 104. Levé de rideau noir sur des spectacles qu’il faut voir.

Bushman,-male-specimen---EXHIBIT-B

Il faut beaucoup aimer les hommes titre Marie Darrieussecq. Le héro de son dernier roman, brillant acteur de seconds rôles hollywoodien, est d’origines camerounaise. La Tate Modern acquiert Le Musée d’Art africain contemporain (1997-2002) du plasticien béninoin Meshac Gaba. Cette installation de douze pièces, nomade et interactive, comble la sous-représentation de l’art de ce continent dans les musées occidentaux. La peau noire auraient-elle dépassé le hipster sur l’échelle de la coolitude ? Pas seulement. Le théâtre, en cette rentrée, est marqué par d’emballantes mise en scènes venues d’Afrique, à découvrir parfois les tripes bien accrochées. Lancée par l’Institut français en mai dernier, la saison Sud-Africaine en France se terminera en décembre et pas moins de cent-vingt artistes de ce pays sont programmés au Festival d’Automne. Parmi les concerts et spectacles, le performer Steven Cohen exprime sa différence, « Juif, blanc et pédé » dans un pays peuplé majoritairement de chrétiens noirs, avec Coq/cock, qui a été présenté en septembre dans l’expo My Joburg à la Maison Rouge. Le 10 septembre, alors qu’il filmait cette performance au Trocadéro, le Johannesbourgeois a été arrêté pour attentat à la pudeur sur l’esplanade des Droits-de-l’Homme. Il déambulait en talons de 20 centimètres et corset, tenant en laisse un coq par son sexe. Une façon de cultiver son statut de victime auto désignée depuis plus de trente ans.

Pour leur dixième et dernier festival d’Avignon en tant que co-directeurs, Vincent Baudriller et Hortense Archambault, ont nommé à leurs côtés Dieudonné Niangouna (en binôme avec le parisien Stalislas Nordey d’origine polonaise par son père et… congolaise par sa mère). Auteur, comédien et metteur en scène, Niangouna, né à Brazzaville, défend un théâtre de l’urgence, nourri de la réalité du Congo, marquée par des années de conflits intérieurs. Si l’on ne reverra pas Sheda, vaste fresque en colère créée pour le festival, on pourra goûter sa verve rageuse dans Au-delà, ballet pour six danseurs au Mac de Créteil. La liste des créations liées à cette région du monde n’a jamais été aussi ample et pointue au Festival d’Avignon et de nombreux artistes, notamment Allemands, invitent à de singuliers pas de deux Nord-Sud. Les Berlinois de la troupe Rimini Protokoll proposent Lagos Business Angels, un parcours immersif sur la folle croissance économique du Nigéria, tandis que les chorégraphes Monika Gintersdorfer (Hambourg) et Knut Klassen (Berlin) mettent sur un piédestal le roi ivoirien du coupé-décalé, Gadoukou la Star, dans trois spectacles (Logobi 05, La Fin du Western et La Jet set). Jeter des ponts entre notre vieille Europe et la terre africaine en pleine mutation répond au besoin d’un retour à la création comme fonction cathartique, qui viendrait panser les blessures à l’âme et éponger le sang versé.

Exhibit-B

© Anke Schuettler

Noirs désirs
Avec Exhibit B, le Brett Bailey revient sur la féroce exploitation du Congo par les impérialismes français et belges. Ces pans occultés, dont les constructions idéologiques perdurent, sont illustrés par une succession de tableaux vivants évoquant les zoos humains des exploitations ethnographiques coloniales. « L’Afrique est si souvent considérée comme un “cas désespéré”, le “continent sans espoir”, l’accent étant mis sur son état de ruine en oubliant que, durant les cinq cent dernières années, elle a été pillée et colonisée, ses sociétés, structures sociales et cultures ont été démantelées », expliquait Brett Bailey à Avignon. Le spectacle avait lieu dans une église abandonnée, lui donnant une aura mystique, mais son impact ne devrait pas faiblir dans les écuries du 104, ancien service municipal des pompes funèbres de Paris, où il est repris en novembre. L’entrée se fait toutes les trente minutes, par groupe de quinze. On nous fait asseoir sur des bancs numérotés dans une petite pièce d’où rien n’est visible. Le silence est demandé, puis on tire les numéros dans le désordre. Toutes les quatre minutes, les spectateurs sont appelés un par un pour entrer dans l’espace de spectacle, seul. On bouillonne d’impatience. Enfin c’est notre tour. Premier tableau vivant : Sarah, debout et nue, exhibant ses courbes généreuses dans une structure qui tourne sur elle-même, comme une danseuse dans une boîte à musique. Sauf que. Sous les traits de la Vénus Hottentote, la comédienne chope notre regard, nous renvoie au rang de voyeur-pilleur et fait monter en nous une culpabilité poisseuse. Le choc est frontal.

Les autres tableaux surgissent et à chaque fois la sensation d’inconfort noue la gorge. Pour fuir le regard des comédiens, vous lirez les panneaux signalétiques. Mais ils rappellent les atrocités commises, pendant que s’élèvent des chants d’esclaves de Namibie. Alors vous vous perdez dans leur regard et si vous le défiez assez longtemps, vous transformez cette rencontre en compassion, en pardon, en amour. Quelques personnes pleurent. La guérison est en marche et c’est vous l’acteur de cette reconstruction. Les performeurs sont des habitants du quartier issus de l’immigration. Sentir leur propre histoire mêlée… l’expérience est saisissante. À la sortie, les témoignages du public sont affichés. On peut lire celui d’un des comédiens amateurs : « Je me considère comme un médicament, car je pense que les gens sont malades et que le racisme est une maladie. Avec Exhibit B nous pouvons les guérir. » Adama Cissoko, musicien.

Par Marion Boucard

Dieudonné Niangouna et DeLaVallet Bidiefono
Au-delà
Mac de Créteil
Du 14 au 18 janvier

Un regard de cinéma sur l’Afrique du Sud
Jeu de Paume, Paris 1er
Du 5 novembre au 26 janvier


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Angelin Preljocaj : l’énergie du vide
  • 14 January 2014/
  • Posted By : Marion Boucard/
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Le chorégraphe Angelin Preljocaj sait s’entourer. Dans le ballet Suivront mille ans de calme (2010), l’artiste plasticien indien Subodh Gupta signait les décors tandis que notre DJ national Laurent Garnier était aux platines. La puissance de la machine créative était au rendez-vous, nous laissant sans voix. Dans Les Nuits, à Chaillot jusqu’au 19 janvier, ses collaborateurs sont les prestigieux Azzedine Alaïa (costumes) et Natacha Atlas (musique). Des origines tunisiennes pour lui, égyptiennes pour elle : un choix cohérent face au sujet traité : Preljocaj partage sa version des Mille et une nuits.

Lascives
Citant Le Bain Turc peint par Ingres en 1862, le tableau d’ouverture nous enveloppe dans les essences et vapeurs du hammam, dans lequel les sensuelles baigneuses aux magnifiques seins nus évoluent en deux groupes synchrones, comme face à un miroir, évoquant brillamment les fameuses tâches de Rorschach. Tandis qu’elles murmurent des poèmes couvrant à peine le clapotis de l’eau, la lumière qui les caresse est projetée du plafond, filtrée à travers des persiennes dans un infime mouvement circulaire, laissant notre rétine jouer avec le faux carrelage et les courbes des douze Shéhérazade, dans un moment de grâce digne d’un trip sous LSD. Soudain, six hommes cagoulés envahissent la scène, en kidnappent une poignée, pendant que les autres fuient les fesses à l’air. Cela va sans dire, Alaïa est un couturier qui excelle dans l’art de dévoiler les fesses. Pour la scène des tapis volants, il dessine un body-string imprimé qu’on souhaite ne jamais devoir porter, même sous une burqa. Un doigt d’honneur se lève brièvement contre l’oppression des femmes dans le monde sur It’s a man world, mais la dimension politique de l’œuvre passe quasi inaperçu, tant elle est happée par les clichés du cabaret oriental. Comme un couple dont la passion s’essouffle au fil des ans, le spectacle d’une heure et demi, aussi beau soit-il, plombe petit à petits nos paupières.

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L’effet Casimir
Pourtant les duos sont toujours aussi fascinants et plus que jamais érotiques. Le chorégraphe livre une ode à l’amour, hétéro, gay ou lesbien. Rarement un spectacle aura autant donné envie de faire l’amour. « Il fallait évoquer la grande proximité des corps dans l’Orient. Dans chaque culture, la distance corporelle est régentée par des règles sociales tacites, des codes mystérieux. Pour un chorégraphe, c’est passionnant. » Ce ballet lui permet d’explorer la théorie scientifique de « l’effet Casimir », cet espace entre les danseurs en perpétuelle évolution, l’énergie du vide, qui le passionne depuis quinze ans. « Plus on danse vite, plus on fluidifie l’espace, on peut ainsi transformer la matière spatiale et éprouver la résistance de l’air. » Tel un chercheur, Preljocaj, français d’origine albanaise, interroge les possibilités du corps, écrit avec et crée l’un des plus beaux langages chorégraphiques de notre occident.

Les Nuits d’Angelin Preljocaj
Théâtre National de Chaillot
Jusqu’au 19 janvier


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Laetitia Dosch
  • 31 July 2013/
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Carte blanche théâtre
La vie c’est des sauts.
par Laetitia Dosch en février 2013 dans Standard n°38

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Interprète délicieusement barrée pour le théâtre, la danse ou le cinéma, la Franco-suisse Laetitia (Dosch) refait péter (le festival) Artdanthé – au Théâtre de Vanves le 8 mars – dans une dernière version de son one woman show en décomposition et culotté, co-écrit et mis en scène avec Anne Steffens. En février, le court-métrage Vilaine Fille Mauvais Garçon de Justine Triet, dans lequel elle tient le premier rôle féminin, sera peut-être césarisé. Cet été, on la suivra en journaliste TV couvrant les élections présidentielles dans La Bataille de Solferino Solférino de la même réalisatrice.

Pour un théâtre handicapant

Ça commence par l’apparition pendant une minute face à nous de chaque protagoniste, handicapé mental, immobile, muet, comme donné en pâture à un public voyeur chez qui la gêne s’installe, fascination pour certains, énervement pour d’autres, contre un chorégraphe qui expose le handicap à des fins spectaculaires, exploitant leur statut, un statut qui est similaire à celui qu’ils ont dans la vie, celui de victime. Un sentiment qui est tout de suite contesté dans la deuxième séquence, où les mêmes se définissent l’un après l’autre comme des acteurs professionnels,  – le statut de victime disparaîtissant, ils deviennent des manipulateurs jouant avec nos idées reçues.

Laetita dosch Jerome Bel Disabled Theater Lorraine dancing

C’est la grande force de Disabled Theater, initié par le chorégraphe Jérôme Bel avec les comédiens handicapés mentaux du Theater Hora de Zurich, où chaque séquence discute la précédente, mettant à mal les préjugés du public, semant la confusion et faisant disparaître l’homogénéité de la salle, poussant chaque spectateur à se servir de ses positions intimes face au handicap, et surtout face au spectaculaire, pour apprécier ou non ce qu’il voit. Au moment des solos, où sept acteurs exécutent chacun à leur tour une danse qu’ils ont créée, les réactions dans la salle divergent, certains applaudissent, par complaisance ou sincère contentement, on ne sait pas, d’autres rient, avec ou contre, c’est à voir, certains sont émus de la singularité de mouvement et de la liberté des corps, pendant que d’autres s’offensent des réactions du public. Ici, le spectacle est aussi dans la salle, à tel point qu’on pourrait presque se demander si les plus handicapés ne sont pas là assis dans le noir, livrés à une bataille jamais gagnée entre affection sincère, complaisance, ennui, admiration, gêne, morale, et joie simple d’enfant. Le moins handicapé de tous ne semble pas être Jérôme Bel, et c’est peut-être ça qui est le plus beau. En proposant en « bonus », comme en rappel, les cinq solos d’acteurs qu’il avait auparavant décidé de retirer, il assume sa propre ambivalence, laissant d’un côté libre cours à ses interprètes, tout en se dédouanant de l’intérêt scénique relatif de leur danse. Position ambiguë du chorégraphe, cruelle, puisque signe d’un classement entre les bons et les moins bons, position fragile d’un homme qui nous entraîne avec lui dans sa quête de rapport d’égal à égal avec son sujet et ses interprètes, se méfiant de la condescendance, quitte à faire revenir le jugement, l’ennui, la crainte, puisque ces sentiments sont présents dans n’importe quelle relation humaine.

Laetita dosch Jerome Bel Disabled Theater damien dancing

Disabled Theater
Concept : Jérôme Bel
Présenté à Avignon en 2012


"Swamp Club" Philippe Quesne / Vivarium Studio Photo © Martin Argyroglo
Philippe Quesne et sa compagnie Vivarium studio : « C’est important d’insister »
  • 19 June 2013/
  • Posted By : Mélanie Alvez de Sousa/
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Dix ans que Philippe Quesne fabrique avec sa compagnie Vivarium studio un théâtre en kit, insolite et poétique, peuplé d’êtres en rade dans des paysages incertains. Bilan.
Philippe Quesne, Vivarium studio Swamp Martin Argyroglo

"Swamp Club" Philippe Quesne / Vivarium Studio Photo © Martin Argyroglo

Il fut l’outsider gagnant du festival d’Avignon 2008 avec La Mélancolie des dragons – des gens y promenaient leurs décors de bric et de broc dans un mobile home remorqué par une voiture tombée en panne dans un paysage enneigé fait de coton. Mais l’histoire est quasi accessoire dans les pièces de Philippe Quesne, où la vie ludique, inquiète et dérisoire de micro-communautés reconstituées se déplie sous nos yeux étonnés, émerveillés. De la fin du monde sur un canoë de sauvetage qui prenait l’eau dans Big Bang (2010), à Anamorphosis (2012) où cinq jeunes Japonaises faisaient griller des marshmallows à la belle étoile, ce metteur en scène, la petite quarantaine, au profil arts plastiques plutôt que Conservatoire, affirme son théâtre « laborantin » et demeure l’un des français qui tourne le plus aujourd’hui à l’étranger.

En Avignon cet été, il présentera Swamp club, ou la vie d’une institution culturelle menacée (voir encadré) et nous reçoit dans sa maison de Belleville, baptisée en ces temps durs pour la culture « Résidence d’artistes Le Pavillon des cascades ». A quand la direction d’un Centre Dramatique ?

Vos fans français sont heureux de vous retrouver. Vous semblez toujours à l’étranger…
Philippe Quesne : C’est vrai que le téléphone ne sonne pas souvent ici. L’Allemagne a bataillé pour avoir la première de Swamp Club comme si on était l’équivalent français de Rodrigo Garcia en Espagne ou de Roméo Castellucci en Italie. L’Effet de Serge [2007], notre pièce jugée pourtant la plus accessible, a tourné dans vingt-cinq pays mais même pas dans vingt-cinq villes en France. C’est d’ailleurs la qualité de cette diffusion internationale qui nous a permis de garder la compagnie. Les lieux étrangers démarchent, ici on t’attend.

La Mélancolie des dragons fut pourtant un succès à Avignon en 2008…
C’était un pari de nous programmer. On était comme une compagnie finlandaise débarquée par hasard, mais ce fut la preuve qu’un théâtre dit singulier ou inclassable peut aussi être populaire. C’est très français de penser que le public n’est pas prêt ; la notion de risque est trop souvent mise en balance avec la réussite économique… ça donne envie de prendre la direction d’un lieu pour désobéir un peu ; j’y pense. En cela, Swamp club est plus que jamais une fable qui parle d’aujourd’hui.

Sa thématique semble plus engagée que d’habitude. 
On a souvent évoqué la liberté de l’artiste, mais pour symboliser les dix ans de la compagnie, j’ai voulu nous confronter au sujet encore plus directement, avec cette fable sur la menace de destruction d’un centre culturel, où les gens mènent à priori une vie idyllique même si c’est sur un marécage pollué à l’air post-apocalyptique. Ça aurait pu s’appeler « Vivarium studio » car c’est aussi l’histoire de notre groupe avec ses trois acteurs sociétaires qui essayent de s’inventer une vie indépendante. En tout cas, le Swamp club, lui, est autonome financièrement parce qu’il possède une mine d’or !

"Swamp Club" Philippe Quesne / Vivarium Studio Photo © Martin Argyroglo

"Swamp Club" Philippe Quesne / Vivarium Studio Photo © Martin Argyroglo

Philippe Quesne : « Prolonger une esthétique, c’est aussi un truc de résistance. »

Le « Club du marécage », drôle de nom pour une institution culturelle, non ?
C’est toujours l’idée d’une micro-communauté prélevée et mise en scène. J’aime bien ces contextes de gens qui vivent ensemble dans un espace clos, comme si on envoyait un échantillon du monde dans des parcs biosphères. C’est aussi le nombre de lettres qu’il y a dans Star Wars, et comme dans La Guerre des étoiles, mes vieux jedïs vont en former de nouveaux. Je pense qu’on est parti pour une trilogie.

Obi-Wan Kenobi reprend du service ? 
Le directeur du Swamp club, qui organise la résistance, est plutôt un descendant de Robin des bois, un héros à la super éthique dont il serait bon de se souvenir aujourd’hui. On a toujours vécu des pièces sans tension dramatique liée à un sujet d’actualité, pour la première fois ça risque de coïncider.

Vos acteurs ont souvent l’air de vivre leur vie sur le plateau. A quel point vos pièces sont-elles écrites ?  
L’écriture est indissociable de toute une part plastique. Répéter, c’est suggérer des situations que le décor, les accessoires ou les costumes provoquent au fur et à mesure qu’ils se précisent. L’autre jour, Emilien avait par hasard un casque de DJ. Je me suis dit que le directeur pourrait organiser des soirées et l’idée d’un cocktail de bienvenue pour les nouveaux résidents est née. J’observe les acteurs habiter l’espace de jeu, je note des assemblages et une liste d’actions compose la partition finale. La parole ne se précise que quelques jours avant la première.

Les acteurs ne réclament jamais plus d’indications ?
Je ne leur demande pas de chercher à être ce qu’ils ne sont pas. Ils savent que je vais emprunter à leur vocabulaire gestuel et verbal, prélever chez eux cette part de réel. Je ne travaille d’ailleurs pas forcément avec des acteurs professionnels. Snæbjörn Brynjarsson, par exemple, est un auteur islandais qui écrit un roman sur les monstres et les légendes en Scandinavie. Il sera auteur en résidence au Swamp club, parlera de ses sujets de prédilection et apportera donc sa vérité.

Que se soit via un tourne-disque ou un autoradio, la musique est toujours très présente dans tes pièces. D’où vient-elle cette fois ? 
Un quatuor à cordes en résidence au Swamp club répétera dans un studio son sur scène. J’aimerais que ce soit des violonistes différents dans chaque ville, comme on l’avait fait il y a dix ans avec un groupe de punk dans La Démangeaison des ailes. On fait beaucoup de comédies musicales, l’air de rien.

"Swamp Club" Philippe Quesne / Vivarium Studio Photo © Martin Argyroglo

"Swamp Club" Philippe Quesne / Vivarium Studio Photo © Martin Argyroglo

Philippe Quesne : « Certains motifs sont peut-être obsessionnels, mais est-ce si grave ? »

Vous avez passé commande d’un dessin à l’auteur de BD Ludovic Debeurme. Un univers proche du vôtre ? 
Je lui ai raconté ce qu’on allait faire en amont de la création et son image [voir ci-contre] nous a beaucoup influencés pendant les répétitions. J’adore ses albums très oniriques, Le Grand autre par exemple [2007]. Comme Bruegel, il arrive à dessiner le monde avec un graphisme qui peut paraître naïf mais qui est très cruel et angoissant. On a trop souvent insisté sur la naïveté de mes personnages, alors que parfois on n’est pas si loin de Haneke. J’espère cette fois trouver cette justesse. Enfin, ce visuel deviendra certainement un motif pour sacs à Avignon, car on a besoin de produits dérivés pour aider le Swamp club !

Certains pourraient reprocher à vos pièces de se ressembler. N’avez-vous jamais envie de formes théâtrales radicalement différentes ?
Certains motifs sont peut-être obsessionnels, mais est-ce si grave ? Kantor aussi remettait toujours en question sa même bande d’acteurs qui vieillissait et ses mêmes « machines célibataires ». Je pourrais faire des spectacles ultra-violents avec un casting improbable, les thèmes ne changeraient pas pour autant. C’est important d’insister, comme un laborantin qui prend le temps de mener à bien une expérience dans une temporalité qui n’est pas celle du monde où tout va si vite. Prolonger une esthétique, c’est aussi un truc de résistance. D’ailleurs « lieu de résidence » et « lieu de résistance », ce n’est pas si loin en français.

En 2014, Philippe Quesne auscultera une nouvelle micro-communauté, celle de gamins de 8 à 12 ans, en poursuivant un projet initié par Campo (le Centre d’art de Gand) qui propose à des artistes d’imaginer une pièce avec des enfants.

 

Work in progress
Nous nous sommes infiltrés dans les répétitions du nouveau spectacle de Philippe Quesne.
Avril dernier. Depuis un mois, le Swamp club se construit sur le grand plateau du Théâtre de Gennevilliers. Acteurs, constructeurs et assistants s’activent dans l’espace de jeu comme dans un parc d’attractions. A jardin, un bâtiment vitré de style scandinave. A cour, une cabane de fortune en haut d’une colline arborée et une caverne où vivrait une taupe géante. Derrière sa table-régie, Philippe Quesne joue des néons et le fumigène, comme un personnage de la pièce, fume dans son coin. On entend : Tu peux envoyer la fumée carrément, puis un aria de Schubert. Les acteurs perchés sur la grotte en redescendent comme de la mine avec des lampes frontales et des peaux de bête. On entend : On dirait qu’on aurait un wagon, on ne sait pas si c’est de l’or ou du charbon. Puis c’est la fête. Emilien avec un casque de chantier s’improvise DJ, les paquets de chips circulent. On entend : On dirait que c’est la soirée des nouveaux arrivants. Philippe Quesne a rejoint le plateau, le groupe s’est rassemblé. On entend : C’est comme cet été en Grèce…, et chacun y va de son anecdote sur les clubs de vacances. C’est la constitution d’un matériel commun. Puis Philippe Quesne lance quelques indications de déplacements et des propositions d’accessoires. Ola et Gaëtan enfilent des peignoirs et claquettes d’hôtel – piquées par Isabelle, c’est elle qui le dit – et commencent à se relaxer, visiblement en congés balnéaires. Lui les pieds dans la mare fouille les herbacés, elle allongée sur un transat tape régulièrement sa jambe, son bras. On entend : Vous avez des anti-moustiques. Vers 17h, c’est la fin de la journée, on balaie les feuillages, on plie les peignoirs, on cleane le Swamp club. Impression étrange et fascinante, ici en répétition comme lors des spectacles de Philippe Quesne, de s’être faufilé pendant une heure dans une faille secrète du temps et d’être tombé sur une humanité égarée. M. A. d. S.

"Swamp Club" Philippe Quesne / Vivarium Studio Photo © Martin Argyroglo

"Swamp Club" Philippe Quesne / Vivarium Studio Photo © Martin Argyroglo

Swamp Club
Conception, mise en scène et scénographie : Philippe Quesne, Vivarium studio
Avec : Isabelle Angotti, Snæbjörn Brynjarsson, Yvan Clédat, Cyril Gomez-Mathieu, Ola Maciejewska, Émilien Tessier, Gaëtan Vourc‘h
Du 17 au 24 juillet au festival d’Avignon
Du 7 au 17 novembre au festival d’Automne à Paris, Théâtre de Gennevilliers


Riccardo Tisci Bolero de Ravel
Faunes, phénix et squelettes à l’opéra avec Abramovic, Larbi Cherkaoui et Jalet
  • 14 May 2013/
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Riccardo Tisci Bolero de Ravel

L’opéra Garnier offre un voyage mystique au pays des faunes, phénix et squelettes. Un voyage temporel aussi : la musique de Claude Debussy pour L’après-midi d’un faune a été créée en 1894 et le ballet en 1912 ; sa version moderne Afternoon of a Faune de Jérôme Robbins en 1953, et L’Oiseau de feu de Maurice Béjart en 1970. Ces trois ballets sont entrés au répertoire de l’opéra de Paris dans les années soixante-dix et sont une introduction toute en crescendo de la création tant attendue du programme : Le Boléro de Ravel revisité par trois artistes hautement contemporains. Sidi Larbi Cherkaoui et Damien Jalet dialoguent déjà depuis 13 ans et se partagent pour ce boléro la chorégraphie, tandis que la pionnière de la performance artistique Marina Abramovic occupe le poste de scénographie pour la première fois dans un ballet. Le directeur artistique de Givenchy, Ricardo Tisci, prend en main les costumes.

Une force imprévisible
Ce casting étonnant a montré dans ses travaux précédents son intérêt pour un rapport au public et à l’espace de la scène hors-norme. Sidi Larbi Cherkaoui est connu pour son choix de formes performatives hybrides entre danse, chant et acrobaties. Damien Jalet investissait le Louvre en février dernier avec Les Médusées et présentait un parcours chorégraphique in situ, dans lequel trente danseurs évoluaient autour des œuvres. Quant à l’italien Ricardo Tisci, il préférait le happening au défilé de mode pour la présentation de sa première collection en 2004.

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Tunnel universel
Marina Abramovic, elle, explore ses limites physiques et mentales dans des œuvres qui ritualisent les actions quotidiennes. Soit. Mais que reste-il d’un art immatériel comme celui de la performance, ou d’un spectacle de danse ? « L’expérience » nous rappelait-elle lors de sa conférence le 24 avril à l’amphithéâtre de l’Opéra Bastille*. Elle y exprimait clairement les raisons qui l’ont motivées à relever le challenge de la mise en scène de ce ballet : faire travailler les danseurs précisément sur cette conscience, ce flux d’énergie qui circule entre les cerveaux du public et des performeurs pendant le spectacle. Car selon l’artiste, si la circulation est réussie, l’extase emporte acteurs et spectateurs, remplissant à l’unisson tous les cœurs d’une émotion authentique et transcendante.

Une autre victoire de l’art
Grâce à un immense miroir, placé sur le plateau, et des lumières joueuses, le spectateur a l’illusion que les danseurs évoluent dans un non-espace. Les repères sont brouillés : on ne sait plus où se trouve le haut, le bas, la droite et la gauche et la transe tourbillonnante obsessionnelle donne le tournis. Fidèles au lâcher-prise exigé par les chorégraphes mais toujours précis (on est des étoiles tout de même), les corps se meuvent de façon quasi organique, se tournent autour sans jamais se heurter, dans un chaos ordonné. Homme/femme, femme/femme, homme/homme, les bras s’enlacent, les bouches s’embrassent sous les regards fascinés d’un public possiblement, en partie, anti-mariage gay. Une autre victoire de l’art.

Mêmes les visages des solistes dans la fosse, reprenant chacun leur tour l’identique mélodie, s’illuminent du plaisir de jouer ce Boléro pourtant si répétitif et imperceptiblement terrorisant. Un spectacle global fascinant donc, dont le seul point faible est sa durée : quinze minutes.

* Marina Abramovic y a aussi longuement présenté son Institut, qui préservera à Hudson dès 2014 l’héritage de ses quarante années de performances. Une visite immersive de 6 heures sera proposée aux visiteurs. Elle cherche des fonds.

PALAIS GARNIER
BÉJART/NIJINSKI/ROBBINS/
CHERKAOUI/JALET
Jusqu’au 3 juin

Par Marion Boucard


Ivo-Van-Hove-Personna-avant-la-repetition © Jan Versweyveld
Avec “Après la répétition” et “Persona”, Ivo van Hove met en scène l’essence même du théâtre.
  • 26 April 2013/
  • Posted By : Magali Aubert/
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Mettre en scène le réel ou l’essence même du théâtre.

Ivo-Van-Hove-Personna-avant-la-repetition Diaboliquement efficace dans la précision et la simplicité, Persona du Flamand Ivo Van Hove scalpe le réel avec une extrême maîtrise du texte (Ingmar Bergman) et un décor minimal sublime. C’est froid, c’est tragique, c’est beau : tous sens aux aguets, la transe prend et c’est rare quand les acteurs s’expriment dans une langue étrangère et que notre œil fait l’aller-retour entre la traduction en fond de scène et le jeu. Sans doute le son, techniquement parfait, nous aide à entreprendre le voyage : papier froissé, déglutinations, raclements de gorge… l’infiniment petit arrive à nos oreilles, créant une proximité auditive palpable avec les comédiennes (Marieke Heebink et Karina Smulders). Les corps nus s’exposent sans pudeur, et l’on éprouve de la compassion pour ces femmes qui s’engagent aussi pleinement. Normal direz-vous, Après la répétition et Persona sont des portraits de comédiennes… Huit clos. C’est l’histoire d’une actrice qui cesse soudain de jouer au milieu d’une représentation et refuse de prononcer un mot de plus. C’est l’histoire d’une mère qui n’arrive pas à ouvrir son cœur à son enfant. D’une jeune infirmière pleine de bonne volonté qui va tenter de la soigner. Elles partent toutes deux sur une île déserte. Slpash – les murs de la chambre d’hôpital s’ouvrent d’un coup sur l’extérieur, comme soufflés par une explosion, révélant un plan d’eau, que l’on n’avait pas remarqué. Elles sont vraiment sur une île déserte, perdues dans le soleil couchant de l’immense scène de la MAC. C’est magnifique. L’infirmière parle sans cesse et de plus en plus sur le ton de la confidence à la muette, elles se lient d’amitié, un rapport de séduction s’installe entre elles. Puis c’est l’orage – vraiment un orage, le vent, la pluie, la panique, la joie d’offrir son corps aux éléments. Les rapports de force s’inversent. Discrètement, implacablement, l’actrice reprend le grand rôle de sa vie, celui de la manipulatrice. Elle est sauvée, mais que reste-il de sa compagnie ? La fascination de Ivo van Hove pour Ingmar Bergman s’exprime dès 2005 avec son innovante mise en scène de Scènes de la vie conjugales présenté à la Maison des Arts de Créteil en 2011. Il y faisait jouer le rôle-titre du couple Johan et Marianne par trois duos d’acteurs. A chaque nouvelle séquence, nous étions invités à nous déplacer autour d’une scène camembert, divisée en trois – la cuisine, la chambre, le salon, avec vue sur les coulisses au milieu de la structure. Une autre façon de créer de l’intimité dans des lieux inattendus, toujours au plus près du réel : une certaine apparence de la normalité. Compte rendu du 8 avril à la Maison des Arts de Créteil pour le festival EXIT. Cet automne, au même endroit, Ivo van Hove s’attaquera au plus grand classique français : L’Avare de Molière. C’est non récalcitrant que nous irons voir cette pièce de 300 ans d’âge puisque que l’avare 2013 sera un golden boy pris dans la tourmente des cours de la bourse, perdu dans la multitude d’écrans vidéo de sa forteresse de verre et qu’il cache sa cassette, transformée en clef Usb, sous la ceinture. Marion Boucard Après la répétition/Persona Du 15 au 18 mai à Amsterdam Du 31 mai au 2 juin au Kaaitheater de Bruxelles Les 8 et 9 juin à Anvers L’Avare de Molière MAC Creteil Maison des Arts Du 07 au 16 novembre


Christian Rizzo interview b.c janvier 1545 fontainebleau marc domage
Christian Rizzo : ” J’ai choisi la danse parce que j’ai été déçu par la mode “
  • 2 April 2013/
  • Posted By : David Herman/
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Le chorégraphe et créateur de costume français Christian Rizzo investit la scène de vêtements flottants sans danseur, de costumes entravant les mouvements, de corps fragiles comme des chrysalides… Des monstres de mode ? Retour sur un parcours sensible et transversal qui s’épanouit dans les marges.
Christian Rizzo interview b.c janvier 1545 fontainebleau marc domage

« b.c, janvier 1545, fontainebleau », 2007 photo © Marc Domage

En lisse pour la direction du Centre Chorégraphique de Roubaix, le chorégraphe et créateur de costume français Christian Rizzo, 47 ans – Toutes sortes de déserts lors du Festival d’automne à Paris en 2007, Mon amour pour l’Opéra de Lille en 2008, Ni cap, ni Grand Canyon pour le Ballet de l’Opéra de Lyon en 2009 –, interviendra au Festival d’Avignon cet été pour y présenter sa nouvelle création D’après une histoire vraie, du 7 au 15 juillet. Par l’importance toute particulière que cet ancien styliste accorde aux vêtements, sa danse s’élance, échappés et entrechats, vers la mode.

Vous avez été formé aux arts plastiques à la Villa Arson, à la musique en montant un groupe de rock… comment êtes-vous arrivés à la danse ?
Christian Rizzo : Ado dans les années 80, on avait le choix entre le foot et un joyeux merdier où se croisaient la créatrice de lingerie Fifi Chachnil qui jouait dans les Lucrate Milk (groupe alternatif de la mouvance post-punk), des collectifs d’art urbain comme Les Musulmans Fumants et les Rita Mitsouko. Je faisais partie de la clique de Toulouse avec le performeur La Bourette ou la créatrice Nathalie Elharrar et nous avions un objectif : créer ce que Marie Rucki avait inventé avec le Studio Berçot, une école où notre avenir se jouerait aux croisements de la mode, de l’art et du rock. Quand je suis arrivé à la Villa Arson en 1985, je me suis aperçu que le milieu de l’art ne m’intéressait pas. J’ai commencé à zoner du côté de Jean Paul Gaultier et Jean-Charles de Castelbajac. J’ai été déçu car je me suis rendu compte que la mode était une industrie alors que je la considérais naïvement en lien direct avec l’expression politique. J’avais en tête les Britanniques Body Map ou Katherine Hamnett qui concevaient leurs vêtements comme des supports à imprimer des slogans. J’ai rejoint la danse très tard, à la fin des années 80, par hasard, au travers de la vie nocturne, dans des clubs comme le Palace, le Rex, et puis l’arrivée des Pyramides [soirées clubbing organisées à Paris par le membres du groupe britannique de S-Express]. La mode, la danse, tout se faisait la nuit.
Est-ce finalement malgré vous que vous êtes affilié à la danse ?
Je n’avais effectivement pas cette formation au départ. Au moment où j’ai abordé la danse, je ne l’ai pas prise comme une pratique, mais comme un espace. J’y ai retrouvé les éléments dans lesquels je me reconnaissais : le rapport à la surface, la temporalité, la musique, la lumière, les vêtements, les mouvements, et surtout, la construction de l’imaginaire. Je ne me suis pas dit que j’étais en train de faire de la danse mais que mon travail consistait en une écriture scénique où toutes ces composantes venaient alimenter une partition globale. Aujourd’hui, je suis totalement pris dans ce champ avec des subventions attitrées, mais je continue à avoir un regard oblique. Les questions qui m’intéressent sont les mêmes que pour des films ou une exposition. Mon travail est transversal, créant une singularité que j’ai eu beaucoup de difficultés à faire comprendre.
Comment s’institue la corrélation entre mode et danse ?
Les collaborations entre le chorégraphe Michael Clark et l’artiste Leigh Bowery au début des années 80 posent une certaine forme de postulat. Tout comme le travail du designer Stephen Sprouse avec des chorégraphes américains… Du courant ultra-performatif comme le body-art des années 70, découle une tendance à se déguiser, à faire la « fiesta » qui, dans les années 80, pose le vêtement au-dessus du corps. C’est peut être à travers cette forme de superficialité que le vrai croisement s’opère.

Christian Rizzo interview standard "Comme crâne, comme culte", 2005 photo © Marc Domage

"Comme crâne, comme culte", 2005 photo © Marc Domage

Christian Rizzo : « J’ai été déçu car je me suis rendu compte que la mode était une industrie alors que je la considérais naïvement en lien direct avec l’expression politique. »

Quelle est la frontière entre mode et costume dans une création chorégraphique ?
A partir du moment où la mode entre dans un théâtre, elle est costume. Un aspirateur chez Darty n’a pas le même statut qu’un autre à Beaubourg. Un vêtement n’est plus mode à partir du moment où il est isolé du contexte global de la mode.
Comprenez-vous que votre univers puisse être perçu comme étant de sensibilité « mode » ?
Comme il peut être rock ou littéraire… Il est nourri de mais il ne fabrique pas. Je rapproche cela du travail du DJ, je mixe des entités afin d’en faire un être hybride, rejoignant cette question très présente dans les années 90 autour de la représentation du corps hybridé dans le champs de l’art contemporain. L’important est d’où c’est réfléchi et d’où c’est observé. En voyant certaines de mes créations, des gens me disent que ce n’est pas de la danse. Ma première pièce par exemple. Les vêtements traversaient un espace grâce à un système de ventilation – il n’y avait pas de danseur. Mon discours n’avait pas pour autant trait à la mode, mais me permettait de poser la question de l’apparition et la disparition du corps. Par contre, il est vrai que mon utilisation régulière du vêtement a fini par susciter l’intérêt de maisons comme Hermès [scénographie de l’exposition Le Cas du Sac en 2004 au Musée des Arts Décoratifs] ou de couturier comme Christian Lacroix [il réalise les scénographies de leur exposition en 2004 et 2007 au Festival de Hyères].
Aujourd’hui, vous collaborez avec Walter Van Beirendonck, Bernhard Willhelm ou encore Jean-Paul Lespagnard…
C’est une famille incluse dans la mode mais relativement en décalage avec le système, en marge. J’aime beaucoup les marges. C’est là qu’apparaissent les plus fortes porosités et où se fabriquent les choses. Sans vouloir paraphraser Godard : « Ce qui rentre très bien dans un cadre, ce sont les marges pour pouvoir faire d’autres cadres. »

Christian Rizzo interview standard "Comme crâne, comme culte", 2005 photo © Marc Domage

"Comme crâne, comme culte", 2005 photo © Marc Domage

Christian Rizzo : « J’ai pelé mes silhouettes comme un oignon, à la recherche de ce matériau qui habite le costume. »

Romain Kremer, avec qui vous avez aussi collaboré, explique qu’il aurait pu être danseur mais qu’il a choisi la mode car c’est un domaine où « l’on parle de soi, mais pour les autres, alors que la danse est un rapport narcissique avec son corps ». Qu’en pensez-vous ?
C’est vrai que, pendant la phase d’apprentissage, le rapport du danseur au miroir est traditionnellement très fort, le poussant à rentrer dans quelque chose de narcissique. Et au moment où il ira sur scène, il considérera celui qui le regarde comme le substitut de ce miroir. J’ai un rapport très différent. Dans mes chorégraphies, on accepte d’abord d’être observé plutôt que de se montrer. On ne fait jamais face au public. Parfois, mes danseurs sont de dos, la tête recouverte, alors pour le narcissisme, on repassera…
Le vêtement influence-t-il la gestuelle ou bien s’adapte-t-il à la chorégraphie ?
Pendant longtemps le costume a imposé une physicalité, quelque chose d’énorme et complexe qui entravait le mouvement. Il fallait trouver une danse qui s’adaptait à lui. Au fil de ma carrière, mon processus de travail a changé. J’ai pelé mes silhouettes comme un oignon, à la recherche de ce matériau qui habite le costume. Et j’ai découvert un être fragile, comme sorti d’une chrysalide qui se serait constituée pendant des années [sa compagnie, créée en 1997, s’appelle Association fragile]. Aujourd’hui le vêtement doit respecter le travail du corps car cette fragilité physique ne peut me permettre de la contraindre à nouveau, elle doit se manifester comme telle.

Retrouvez cet article sur le site de la Gaîté Lyrique


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