De la Russie de 1937 au Paris des années 2000, La Confrérie des moines volants fait la synthèse des deux obsessions de l’écrivain turco-suisse Metin Arditi : la culpabilité existentielle, explorée dans La Pension Marguerite (2006) ou La fille des Louganis (2007), et le poids du passé, développée dans Le Turquetto (2011). Alors que les bolchéviques massacrent les ecclésiastiques et pillent les églises, on suit Nikodine, moine rescapé de ces purges, qui culpabilise d’avoir survécu. Il s’en remet au Seigneur – puis se reproche de « se servir de lui pour sortir de sa fange » –, entreprend de se racheter en organisant le sauvetage des objets du culte épargnés par les rouges – puis craint de n’agir que par un égoïste « goût du risque »…
Quand Mathias, photographe de mode traînant son mal-être dans les défilés parisiens, se découvre être le descendant de Nikodine, il part à Moscou à la recherche des trésors cachés par son ancêtre. Le roman historique tragique devient roman d’aventure réjouissant, et une nouvelle quête de rédemption commence : déterrer ces objets, pour la Russie comme pour Mathias, c’est regarder hier dans sa vérité. C’est à cette condition que pourra être envisagé avec lucidité un avenir apaisé. Dans un style simple, Arditi nous enseigne que « pour tourner une page, il faut d’abord la lire ».
Par Frédéric Pradon
Metin Arditi
La Confrérie des moines volants
Grasset
352 pages, 19 €
A 12.99 euros avec Standard