Carte blanche Médias
« Il n’y a pas de problème humanitaire à Gaza »
par Mélissa Theuriau en juillet 2010 dans Standard n°28
A la différence des médias anglo-saxons, nos grands médias français, nous ont donné à lire, à voir ou à entendre début juin que la situation humanitaire à Gaza n’avait rien d’exceptionnel. Qu’elle était « stable ». Un constat qui entrait en écho avec le discours officiel israélien, lequel discours était pourtant souvent contesté par la presse israélienne, le quotidien libéral Haaretz au premier chef. Même constat médiatique outre-Atlantique, hormis le prestigieux New York Times qui n a pas manqué de dénoncer le blocus comme un châtiment collectif d’un autre âge.
Si la prospérité est telle, alors en quoi, au juste, la politique de fermeture fait-elle avancer l’objectif d’Israël d’affaiblir le gouvernement du Hamas ? Si la situation de Gaza est si « stable », pourquoi plusieurs communiqués officiels de l’Etat d’Israël déclarent-ils fièrement 738 000 tonnes d’aide humanitaire transférées à la bande de Gaza l’an dernier ? Comment ces constats de prospérité sont-ils compatibles avec l’information contraire fréquemment publiée par les organisations internationales ?
Quelles enquêtes ?
80 % des habitants de Gaza dépendent des organisations humanitaires. Le taux de chômage à Gaza avoisine 35 %. « Israël affirme avoir pris des mesures pour soutenir le commerce et les échanges », mais cet « effort » est-il bien cohérent avec le blocus de grande envergure imposé depuis trois ans à l’entrée des matières premières pour les usines et les entreprises industrielles dans la bande de Gaza ? Certes, l’interdiction ne fait que perpétuer une situation où plus de 90 % des établissements industriels sont fermés. Près de la moitié des terres agricoles sont devenues inutilisables du fait des destructions de l’opération « plomb durci » entre décembre 2008 et janvier 2009. Les pêches sont paralysées par l’interdiction d’aller en haute mer (les Gazaouis se procurent le poisson en contrebande par les tunnels). D’où l’effondrement du secteur agricole.
J’aimerais rappeler par l’intermédiaire de cette carte blanche (merci Standard) que les principales chaînes de télévision françaises ne disposent d’aucun correspondant permanent à Gaza, à l’exception d’un journaliste reporter d’images palestinien qui travaille avec Charles Enderlin pour France 2, de Radjaa Abou Dagga, correspondant de France 24 et intervenant occasionnel sur France 3. Jusqu’à ce jour, la quasi-totalité des envoyés spéciaux des chaînes françaises ne peut pas accéder à Gaza via Israël. Dans ces conditions, quelles enquêtes les télévisions peuvent-elles effectuer, si l’on excepte les reportages balisés par l’armée israélienne ?
Quelques heures après l’assaut sanglant par des commandos israéliens de la flottille d’aide à Gaza, j’écoute un correspondant du Figaro, Adrien Jaulmes, préciser « qu’il n’y a pas de crise humanitaire à Gaza et que le blocus israélien concerne seulement quelques produits, comme le Nescafé ou la coriandre… »
Mélissa Theuriau anime Zone interdite sur M6.