Plus drôle que Matteo Garrone, une pochade kamikaze dérouille la télé-réalité US. Mais que fait la Police (Academy) ?
Un type ne supporte plus migraines et insomnies, ni d’avoir perdu son boulot. On lui diagnostique une tumeur au cerveau, il préfère en finir. Son intention est détournée par un reality show plus crétin que Secret Story. Quitte à se flinguer, pourquoi ne pas faire disparaître aussi les protagonistes décérébrés de l’émission ? La cible de God Bless America est facile, mais la quête de Frank soulage. C’est la réponse tarée à une culture pop tout aussi tarée.
Dans une vie antérieure, le réalisateur Bobcat Goldthwait fut l’une des recrues occasionnelles de Police Academy, redoutable série de films comiques (sept volets, 1984-1994) à la gloire de flicaillons bras cassés mais capables malgré tout de faire régner l’ordre. Dans l’ombre, Goldthwait tentait de subvertir cette image via une carrière d’acteur de stand-up où il jouait les citoyens moyens aussi déprimants qu’angoissants. Pendant les vingt années suivantes, il a réalisé des choses vaguement provoc’, pas toujours abouties. En France, nous eûmes le privilège de voir Juste une fois ! (2007), au pitch mémorable : une future mariée confesse sa culpabilité de s’être laissée faire… un cunnilingus par son chien. Débile, mais égratignant plus profondément l’American way of life que n’importe quelle tarte aux pommes. Aperçu en festival, bien plus solide, le grinçant World’s Greatest Dad (2009) et son père devenu un modèle en maquillant la mort de son fils en suicide avertissait d’un possible changement de braquet – pas du bond qu’il allait franchir avec God Bless America.
Galerie de neuneus
Certes, la dénonciation d’un peuple malade de sa société du spectacle (thème également abordé dans le Reality de Matteo Garrone, sorti en octobre, Grand Prix à Cannes) est un peu trop lisible. Mais n’empêche pas God Bless America d’être du même tonneau que Tueurs-nés (Oliver Stone, 1994), interrogeant les dérives d’une civilisation remodelée par MTV et la télé-réalité, l’expérimentation formelle en moins – remplacée par une colère aussi noire que son humour et, également, un inattendu vague à l’âme face à cette galerie de neuneus. Cette tristesse élève le tout au-dessus d’une simple pochade. Car le combat de Goldthwait est perdu d’avance quand la culture de masse a pour parangon des blockbusters comme Transformers ; des films moins trash, mais insidieusement beaucoup plus violents.
God Bless America
Bobcat Goldthwait