Perdant éternel, William Burroughs Jr. surgit avec Speed, premier roman et gonzo-reportage d’un jeune toxico noyé dans les remous du rêve hippie.
Citizen Burroughs. Nom d’usage : Billy Junior. Né en 1947, disparu trente-trois ans plus tard d’une explosion de son foie de substitution (le premier ayant jeté l’éponge en 1976). Profession de la mère : flinguée par son mari des suites d’une reconstitution de Guillaume Tell sous produits. Profession du père : absent – écrivain prolifique – junkie fugitif. Profession du bisaïeul : inventeur. Profession des aïeux paternels : parents de substitution. Parrain tutélaire : Allen Ginsberg, poète, chantre de la Beat Generation et activiste politique. Influences littéraires revendiquées : Jack Kerouac (drogué), Charles Bukowski (alcoolique). Déviances connues : drogue, mal-être, drogue, virées, drogue.
Comment surmonter un héritage si lourd, franchement ? Billy Jr. a du se poser la question plus d’une fois, sa réponse oscille entre laisser-aller quotidien et littérature comme planche de salut : « Ce mec m’écoute divaguer sans me trouver bizarre, du coup je ne tarde pas à accepter mon impuissance et rendre sa liberté à ma peur. » Bouée insuffisante, puisqu’après la parution de ses deux romans autobiographiques, Speed à 23 ans et Kentucky Ham à 26 – en 1970 et 1973 –, sa traversée des seventies sera émaillée d’un divorce, d’une transplantation et d’un lent engloutissement, contre lesquels sa tentative avortée de troisième roman, Prakriti Junction, ne pourra rien.
Fatum familial
A 13 ans, il avait rejoint brièvement son héroïnomane de père en exil à Tanger, tentant de renouer le contact – mais ne rapporta dans ses bagages que ses premiers contacts avec le hasch. Deux ans plus tard, il blesse grièvement un ami, d’un coup de fusil – fatum familial qui l’envoie brièvement en HP. Commence une longue agonie mâtinée de came et d’alcool, de larcins le faisant passer par la case prison en malheureuses tentatives de sevrage à la Green Valley School. Pendant cette période, son ambition littéraire lui sert de fragile béquille, le gamin parvenant pourtant en partie, à force de travail, à esquisser sa voie, sa voix, pour solder son héritage : « Nulle part où aller, alors je m’incruste, mais en me sentant de plus en plus déconnecté de mon environnement. » Une entreprise à laquelle il serait parvenu si son atavique psychisme ne l’avait pas condamné à l’abattoir.
Par François Perrin
Le livre
Proto-punk
En 1967, Billy et son pote Chad filent de Palm Beach à Greenwich Village pour un semestre d’immersion culturelle et de perfectionnement tox chez les hippies. Ils y croisent et font un peu tout et n’importe quoi, Billy s’embourbant dans son cynisme et sa provocation tandis que ses camarades semblent mieux répondre à l’appel baba-cool, ce nouveau collectif floral et bien-pensant. Il s’agit de l’histoire d’un post-Beat sur le tard, paumé dans un monde qui attendra encore dix ans, dommage pour lui, pour inventer le punk. Drôle pourtant, Speed trace le portrait d’un rejeton débarqué à la mauvaise époque.
F. P.
Speed + La Dernière balade de Billy (13e Note)
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