Candide étoile du nouveau Coppola, Alden Ehrenreich, 19 ans, campe un joli matelot largué dans Buenos Aires, frérot d’un Vincent Gallo tourmenté au cœur de Tetro, superbe chronique familiale en clair-obscur.
Lors de sa Master Class *, Francis Ford Coppola parle du jeu de Vincent Gallo comme d’un « matériel émotionnel brut, de la vérité en très peu de prises ». Vous partagez la plupart des scènes. Comment adapter le votre au sien ?
Alden Ehrenreich : Pas la peine de s’adapter, justement. Quand vous jouez avec lui, Vincent est très très concerné par ce que vous arrive, surtout si vous donnez le maximum pour l’aider, que vous osez, que vous écoutez. Il est du genre On ne rentre pas à la maison tant que la prise n’est pas bonne. J’en demandais plus, moi aussi. Mais j’ai trop peu d’expérience pour comparer.
Comment avez-vous appris à jouer ?
En regardant des westerns et des films de guerre, tout petit. Je pensais que les vieux acteurs étaient les plus cools et j’essayais de jouer comme eux – non, pas « jouer » : me comporter comme eux. John Wayne, Gregory Peck. Ava Gardner. Les grands de la « Méthode » [de l’Actors Studio] : Brando, James Dean, Montgomery Cliff. J’ai redécouvert Jimmy Stewart et c’est mon comédien préféré. Ned Beatty est incroyable aussi. Et Meryl Streep, Jane Fonda. Diane Keaton. Gena Rowlands. Et Dustin Hoffman, Jack Nicholson et Peter Falk. Avec Tetro, je ne savais même pas ce que je faisais, j’expérimentais sans cesse.
Pas d’école ? Coppola déclare : « Oubliez les comédiens sans formation. »
Des pièces de théâtre au collège, un acting studio à 15 ans, puis j’ai rencontré un mentor qui me coache. J’ai pris des cours à New York l’année dernière. Maintenant je me demande ce qui sera bon – et vrai – pour moi. On verra.
Coppola dirige-t-il beaucoup ses acteurs ?
Francis crée un environnement dans lequel vous vous sentez chez vous, disposé à offrir ce que vous avez de meilleur. Il infuse l’atmosphère avec tant d’émotions authentiques que vous ne voulez qu’une chose : le rendre heureux. Il ne ménage personne et nous guide. Et pense que le réalisateur doit « présider » plutôt que « diriger ». On s’envoie des mails, on échange beaucoup, sur pourquoi ce plan, ses films adorés. Au moment de tourner, vous ne voyez pas comme lui the whole picture, mais vous sentez l’énergie qui l’illumine. Et c’est très beau.
A l’audition, vous avez dû présenter un extrait de L’Attrape-cœurs. L’aviez-vous lu ?
Non. Je l’avais pourtant acheté le jour de mes 17 ans. Quand j’ai obtenu le rôle, le l’ai avalé dans l’avion qui m’emmenait en Argentine. Francis voulait créer son propre Holden Caufield. Bennie [son personnage] et Holden ont en commun la candeur, ce besoin de se réconcilier, et une vision du monde pas très réaliste. Holden est cynique et négatif, Bennie est romantique et idéaliste.
Jouer un rôle et jouer pour s’amuser, c’est idem ?
Question géniale. Aux Etats-Unis, on surnomme parfois les acteurs « la Caste des Joueurs ». Francis répète que, pour mieux les connaître, vous pouvez emmener vos acteurs au restaurant chaque semaine, mais vous pouvez aussi organiser un match de softball : vous obtiendrez tellement plus de ludique et de comédie ! Il nous mettait en cercle, on improvisait en permanence de petits jeux, des mouvements, du fun. Quand vous jouez, vous mobilisez autant votre corps que votre cerveau – au lieu de lire les dialogues assis derrière un bureau. Ça ouvre un boulevard pour une bonne performance.
Coppola aurait organisé un bal costumé où chacun devait venir déguiser comme l’aurait fait son personnage. Vrai ?
Oui, juste avant le tournage. Avec un buffet, un orchestre, des éclairages, une vraie fête ! Francis observait, à l’écart, avait donné une consigne à chacun. Vincent Gallo était vêtu comme son père et sa mère, avec un masque, une longue perruque et un tailleur bizarre, très marrant. Moi j’étais en Hemingway avec une barbe, un gilet, un gros ventre, je devais trouver qui était la mère de Tetro parmi les invités. Et j’ai gagné ! Une belle bouteille de vin rouge. Certaines interactions de ce bal ont totalement changé la dramaturgie du film.
Votre nom est assez dur à prononcer. C’est allemand ?
Autrichien. Ça se prononce « i-ren-reïque » et signifie « round of glory », un lieu honorifique. « Alden » est d’origine galloise et veut dire, je crois, « vieux sage ». Mes parents l’ont choisi en référence à Phil Alden Robinson, le metteur en scène de Jusqu’au bout du rêve [du base-ball avec Kevin Costner] qu’ils ont vu l’année de ma naissance. Ce nom compliqué ne me pose aucun problème, terminé le vieil Hollywood où les stars prenaient des pseudos comme Rock Hudson, Cary Grant, Gary Cooper. Regardez Kirsten Dunst !
Votre prochain film, Greased, une comédie romantique étrange, est en postproduction. De quoi s’agit-il ?
Oh mon Dieu, c’est très amusant : c’est un court-métrage de cinq minutes réalisé par une copine diplômée d’une école de cinéma. Ça ne sortira jamais en salles. Je n’ai rien tourné depuis Tetro.
Ah bon ?
Je vais juste à l’école. Si je reçois un scénario fort, j’irai, mais pour le moment, j’étudie.
Parmi les scripts, no good damned story ?
J’ai été pris pour six ou sept films qui n’ont pas pu se faire à cause de la grève des scénaristes et de la crise. Je lis des trucs inintéressants. Je réponds quand je vois quelque chose d’authentique ou de cool, selon mon intuition, peu importe le genre. Je refuse les teen comedies et j’attends… le flash.
Entretien Richard Gaitet, photographie Blaise Arnold – Standard n°26 – janvier 2010
Par Magali Aubert
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