« Internet va s’effrondrer, le livre reviendra.»
En excursion à Fukushima, William T. Vollmann est confiant pour après-demain.
Comment vous représentez-vous l’avenir de la littérature ?
William T. Vollmann : Ça promet d’être atroce. La communication instantanée est une plaie : les gens pensent que tout peut être mis à jour, que tout travail est un chantier en cours. Je suis plus confiant pour après-demain : tout Internet va s’effondrer, sur fond de chaos économique et de réchauffement climatique. Alors, le livre reviendra.
Cet avenir possède-t-il une quelconque réalité, ou représente-t-il une pure hypothèse ?
En ce qui concerne le long terme, je n’exprime ici qu’un espoir.
Vous-même, où vous situez-vous dans cette littérature possible ?
Je serai mort. Ce qui n’est pas une si mauvaise chose. Et puis c’est inévitable, n’est-ce pas ? Autant s’accommoder à l’idée.
Si vous pressentez l’œuvre à venir, pourquoi ne la faites-vous pas vous-même ?
Je suis en train de poursuivre la rédaction d’une étude portant sur mille ans d’Histoire de l’Amérique du Nord. Déjà quatre tomes publiés, le cinquième est en cours [The Dying Grass, en 2013], et j’espère bien tuer encore quelques années à mettre un terme au septième. Parallèlement, je boucle un recueil d’histoires de fantômes [Last Stories, 2013], sans oublier un roman transgenre. J’essaie d’explorer des pistes.
Question subsidiaire : foncer, sans préparation, vers tous les points chauds du monde, ça vous vient d’où ?
Je me prépare juste ce qu’il faut, vous savez, en respectant ce que disait Henry David Thoreau [De la marche, 1862] : ne jamais laisser notre savoir prendre le dessus sur ce qui demeure plus important, notre ignorance. J’imagine qu’on aimerait tous faire de même, mais les gens s’estiment en général croulant sous les responsabilités. A ce niveau, je dispose d’un atout majeur : je suis totalement irresponsable.
Le livre
Envoyé spatial
De romans en essais plus ou moins gonzos, William T. Vollmann traîne depuis les années 80, toujours mal préparé, sous-équipé, un peu touriste quoique curieux et futé, entre hôtels de passe, bidonvilles et usines pétrochimiques, croisant rois de la pègre, tortionnaires, gagneuses du ventre et travailleurs fourbus, afin de faire le « récit de choses que nous pouvons à peine croire, et encore moins comprendre ». L’an dernier, armé d’un dosimètre Toys R Us (« chose en plastique, pansue, bleue, quelconque, avec une pince pour la fixer à une poche »), il rôde puis finit par pénétrer la zone interdite de Fukushima. Sur la route, il lie amitié avec les locaux (« D’abord, vous avez été nos victimes, puis, dirait-on, vous avez recommencé de vous-mêmes ») et doute en permanence de « faire grosse impression professionnellement ». Littérairement, en tout cas, il n’a plus grand-chose à prouver.Fukushima, dans la zone interdite
Tristram
95 pages, 9,80 euros