Synthés joufflus et rythmiques syncopées, un diamant psyché vers les mondes parallèles.

Tame Impala

Toi et ta bande de potes (Pond, Mink Mussel Creek), vous incarnez l’antidote australien à l’Ibiza défiguré par l’ère du clubbing. Un retour aux hippies naturistes de 1972 ?
Kevin Parker : C’est la meilleure comparaison qu’on m’ait faite. Il y a vraiment ce côté communautaire entre nous, on est des amis de très longue date. Après, au-delà de cette mouvance des Baléares remplies d’orgues fêlés, le groupe du passé que j’ai ici consciemment cherché à intégrer à ma musique, c’est plutôt Supertramp, dont je suis dingue depuis l’enfance. Leur son, très stadium et cheesy mais céleste, vampirise le disque. Il ne faut pas m’en vouloir, j’ai toujours l’impression de vivre dans le futur par erreur, comme dans un cauchemar…
Ce deuxième album est plus aventureux qu’Innerspeaker [2010]. Moins cohérent, aussi…
Pour Lonerism, je voulais violer les règles de la sobriété avec naturel, en éteignant carrément mon cerveau, car sur le précédent j’étais trop réservé. J’ai donc surfé sans limite sur la direction de chaque morceau (parfois contradictoire), d’où le côté foutraque et dingo. Même logique pour les paroles, plus d’audace, moins de flou. Avec un petit côté exhibitionniste : tout ce qui me passait par la tête est là, sans filtres métaphoriques. Le titre Endors-toi, sans vraiment d’équivalent anglais, résume la philosophie : essayer de se maintenir dans cet état de semi-réveil, où tout est spontané.
Tu l’aurais enregistré dans des avions, des hôtels, des caravanes, des tipis…
Sur la route, avec mon dictaphone, j’ai pris plaisir à capturer des conversations, des bruits de nature, une ligne de synthé bizarre – que j’ai incorporés aux morceaux dans mon home studio. Je me suis aussi offert un appareil Diana, pour prendre des photos sixties – comprendre : très hasardeuses – près des jardins du Luxembourg. Ce qui explique la pochette, cette béatitude parisienne enfermée dans sa clôture, comme une concentration de vie, dont le spectateur serait exclu.
Malgré cette méthode impulsive, on retrouve ces voix éthérées, presque lennoniennes, ce doux romantisme qui soutient le chaos…
Au quotidien, je ne suis pas si mélancolique, du moins, j’ai du mal à l’assumer – même si c’est un trait commun aux choses qui me touchent. Mais quand j’allume mes micros, c’est comme si ça libérait un esprit qui s’emparait de tout ce que je tiens à cacher. Rassure-moi, la musique comme exorcisme, c’est plutôt sain, hein ?

tame impala lonerism

Tame Impala : Lonerism (Modular)
Live! Tame Impala domestique des éléphants roses
le 15 octobre au Bataclan, Paris.