Roxane Mesquida mode
Après la croisette, la Française ensorcellera la rentrée, une fille et un pneu dans Kaboom de Gregg Araki et Rubber de Quentin Dupieux. Deux ovnis tournés en Amérique, son nouveau pays.

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Puisque le temps ne suspend jamais son vol, l’entretien commence dans la voiture, voyage aller, se poursuit au maquillage et se termine dans la voiture, voyage retour.

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Dans Kaboom, vous jouez une obsédée sexuelle psychopathe, tendance sorcière lesbienne. Pas trop déstabilisant ?
Roxane Mesquida : C’est vrai qu’elle aime le sexe. Le sujet, c’est la découverte de la sexualité par des jeunes sur un campus. Tous ont des personnalités spéciales et moi j’ai des pouvoirs dont je me sers contre ma copine qui m’a quittée. De toute façon je ne joue que ça, des rôles barrés. C’est excitant. J’ai envie d’être déstabilisée.
Qu’est-ce qui vous fait accepter un rôle ?
D’abord un rapport avec un réalisateur, l’envie de faire partie d’un univers. Ceux de Kim Chapiron [avec qui elle tourne Sheïtan, 2006], Catherine Breillat [A ma sœur, 2001, Une Vieille maîtresse, 2007], Quentin Dupieux [Rubber, 2010] me plaisent.
Comment avez-vous rencontré Gregg Araki ?
Il m’a envoyé un mail avec son scénario : « J’adorerais que tu interprètes Lorelei. » J’avais envie de travailler avec lui sans le lire ! On s’était vus à un dîner trois ans avant, on s’était tout de suite entendu : on dînait ensemble à chaque fois que j’allais à Los Angeles. Il adore le cinéma de Catherine Breillat.
Et vous, qu’adorez-vous dans le sien ?
Kaboom est un retour à ses premiers films, très pop : The Doom Generation [1994] et Splendor [1999] dont je suis fan et qui n’est jamais sorti en France je crois. Une meuf flashe sur deux mecs le même soir. Elle sort avec les deux et décide de leur dire qu’elle a quelqu’un et aucun des deux ne veut la quitter. Ils finissent par emménager chez elle. C’est dingue, ça pourrait vraiment arriver !
C’est votre cas on dirait !
Oui. C’est la vie, quoi ! Tout n’est pas noir ou blanc. Entre Seul contre tous [Gaspar Noé, 1998] et Amélie Poulain [Jean-Pierre Jeunet, 2001], j’ai choisi : chez moi, j’ai le DVD de Seul contre tous. Ce qui est moral, ça me soûle.
Pourquoi vivez-vous à L.A. ?
Etrangement, dès la première fois, je m’y suis sentie chez moi. Ça me rappelle le Sud de la France, où j’ai grandi. J’aime l’ambiance et ils respectent le cinéma indépendant. Pour eux, les meilleurs réalisateurs français, c’est Catherine Breillat, Claire Denis, Bruno Dumont, Gaspar Noé… Je n’ai pas envie d’être franco-française. A Los Angeles, on peut rencontrer des réalisateurs du monde entier. J’aimerais aussi beaucoup tourner avec la Suissesse Ursula Meier [Home, 2008].
Vous êtes devenue anglophone ?
Presque. J’ai toujours adoré cette langue facile. Je pensais devenir traductrice. J’ai un accent mais on n’arrive pas à le reconnaître. Souvent les Français me parlent d’abord en anglais et les gens dans la rue me parlent russe.
Russe ?
J’habite dans le quartier russe, dans la maison de Charlie Chaplin, divisée en appartements. J’ai une coach d’anglais mais Gregg Araki me l’a interdite.
Kaboom a un aspect ultra-hédoniste là ou vos films français sont plus dans la frustration. La culture américaine, moins coincée que la nôtre ?
C’est un quizz ? Une thèse ? Les Américains sont vachement prudes mais je ne suis pas la mieux placée pour faire la différence, puisque je bosse avec des gens pas coincés. Mais la pauvre Lorelei est quand même frustrée.
La peinture vous influence. Comment ?
J’ai étudié l’histoire de l’art et j’ai toujours dessiné. J’aurais rêvé faire les Beaux-arts, mais c’était incompatible avec les tournages. J’aime le mouvement expressionniste, Edvard Munch, Soutine. C’est une inspiration générale.
Filmée par une femme ou un homme, dans la plupart des cas, vos personnages sont érotisés. A quoi c’est dû ?
Ah bon ? C’est vrai que je suis à poil dans tous les films. Le corps c’est beau et pas vulgaire. Romy Schneider voulait se dénuder contre l’avis du réalisateur pour une scène où elle se lavait à un robinet, dans un train. Elle est parvenue à ses fins en éclaboussant son chemisier jusqu’à ce qu’il soit entièrement transparent [sans doute dans Le Train de Pierre Granier-Deferre, 1973].
Vous avez tourné des films grand public (Sexe très opposés, Le Grand voyage…). Quelle est votre définition d’un cinéma mainstream ?
Grand public ? Qui a vu ces films ? Pour moi, mainstream veut dire qui peut être vu par des enfants. Je n’en ai fait aucun qui puisse être vu par les moins de 12 ans. Je suis hyper égoïste, je fais des films juste pour moi [rire].
Vous avez gardé contact avec Catherine Breillat ? Un avis sur sa mésaventure avec Christophe Rocancourt ?
Bien sûr, j’ai fait trois films avec elle ! En France, il faudrait s’apercevoir que les gens sont géniaux avant que ce soit prouvé ailleurs…  A ma sœur a remporté plein de prix au Etats-Unis, dont le Hugo d’Or [grand prix du festival de Chicago] et est sorti en édition critérium, c’est énorme, c’est un film culte. La France a commencé à en être fière quand Une Vieille maîtresse a été sélectionné à Cannes [2007]. Bon pour le reste, on dirait une question Voici
On dirait un scénario ! Quelle est la meilleure anecdote du film de votre vie ?
Qu’un réalisateur [Manuel Pradal pour Marie Baie des anges, 1997] vienne me dire dans la rue à l’âge de 13 ans « Est-ce que tu veux jouer dans mon film ? », moi qui ne voulais pas du tout être actrice… Je pensais qu’elles étaient suicidaires !
Vous n’avez jamais pris de cours d’ailleurs… C’est ce qui rend votre jeu et vos choix instinctifs ?
Le plus important, c’est la magie de l’émotion pure. Les « trucs » genre « parler dans un souffle pour avoir l’air plus intense », ça me fait chier. Les réalisateurs qui me plaisent le plus sont ceux qui ne prennent pas de comédiens professionnels, Bruno Dumont, Carlos Reygadas [Batalla en el cielo, 2005]…
Vous réalisez un documentaire sur l’adolescence. On peut en savoir plus ?
J’ai commencé mais ça va me prendre des années. C’est le plus beau moment de la vie quand on perd l’innocence. Je n’ai pas l’impression d’être adulte. Enfin, si c’est avoir des responsabilités, genre donner à manger à mon chat, j’en ai. En fait je suis frustrée de mon adolescence parce que j’étais hyper timide. J’ai loupé plein de trucs. Je n’avais pas beaucoup de copains et copines et me suis intéressée aux garçons super tard !
Vous vous êtes rattrapée : dans Rubber, un pneu tombe amoureux de vous. Flattée ?
Attends ! Il y a de quoi quand même !

Par Magali Aubert & Alex Masson, photographie Romain Bernardie-James – juillet 2010, Standard n°28

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Les films
Un pneu, beaucoup, à la folie…
Tout le monde jurait que Léa Seydoux serait la sensation de Cannes 2010 en ayant trois films (Robin des Bois, Belle épine, Petit Tailleur), mais Roxane Mesquida enflamma la Croisette. Dans Rubber, l’ovni de Quentin Dupieux – imaginez le Vincent Gallo de Brown Bunny faisant du méta-cinéma autour d’un pneu tueur… – elle fait fondre d’amour un serial killer made in Michelin. Tandis que Gregg Araki l’imagine en sorcière ultra-possessive de sa copine dans Kaboom, explosion hormonale et hédoniste. Deux rôles faisant de Mesquida, 29 ans, plus que la nouvelle égérie du cinéma qui décape, une icône de la féminité au cinéma, entre lolita qui carbure au girl power et vamp fatale jusqu’au bout des ongles.
A. M.

Kaboom et Rubber, sorties prévues cet automne.

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Les fringues
Egérie ? Non merci. Heu… si.
« Je veux bien être l’égérie d’un réalisateur, mais pas d’une marque ! Même si Gaultier, Lagerfeld ou Galliano sont des artistes et qu’aller à leurs défilés, c’est comme regarder des sculptures vivantes. J’aime les Italiens : Miu Miu, Fendi… j’ai complètement flashé sur un sac Miu Miu avec un petit chat. Je suis obsédée par les chats. Mais à chaque fois qu’on me demande mes créateurs préférés, j’ai l’impression de leur faire de la pub. Ils n’ont pas besoin de moi, je préfère soutenir ceux qui ne sont pas assez connus, comme le créateur de chaussures Jérôme C. Rousseau, un Québécois vivant à Los Angeles ou Roland Mouret, styliste français basé à Londres. Au Festival de Cannes, je portais une robe Margiela composée de nœuds papillons cousus les uns aux autres : une œuvre d’art. Tout ce qui est en rapport avec l’art m’intéresse. D’ailleurs je préfère aller dans un musée que dans un magasin. »
M. A.

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Les prévisions
The Hole in the Wall de Frédéric Da
«  Je l’ai tourné en janvier. Ce premier long-métrage d’un jeune réalisateur qui sort de NYO [l’Université de New York] et qui a vu A ma sœur cinquante fois, est le portrait d’une fille qui se sent extrêmement seule et peu importe avec qui elle est et ce qu’elle fait, elle n’arrive pas à sortir de cet état. En plus, son appartement est entièrement infesté de souris. »

Sennentuntschi de Michael Steiner
« Celui-là, je l’ai tourné il y a presque deux ans. Un film suisse, allemand, autrichien, italien, français. C’est tiré de la légende de Marie Poupette. Mais je ne sais pas si les gens qui n’ont pas grandi dans le Sud connaissent Marie Poupette. Elle a été enfermée dans le sous-sol d’une église par son père qui est prêtre. Au bout de vingt ans, elle s’échappe. Comme elle n’a eu aucune relation avec les humains, elle est sauvage. Mes inspirations pour le rôle ont été Kaspar Hauser et le mythe de l’enfant sauvage. »

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