Ren Hang : Nus de Chine
« Ne pas évoquer le sexe, c’est manquer de courage. » D’un œil impudique et bienveillant, Ren Hang vole les instants sulfureux d’une jeunesse désinhibée. Le festival d’Arles consacre une expo perso à ce photographe chinois qui ne sait expliquer pourquoi il choque. Nous non plus.
Son Minolta 110 zoom lui a coûté 25 euros. Ses clichés valent 15 à 50 fois plus. Ren Hang a le sens des affaires, à moins qu’il ne soit juste doué. À 27 ans, ses distinctions sont internationales : Terna Prize (prix italien d’art contemporain) en 2010, « l’un des vingt-cinq photographes à suivre cette année » selon le British Journal of Photography, et une exposition personnelle cet été à Arles. Un succès qu’il doit en partie à son père spirituel, l’artiste Ai Weiwei, qui l’a révélé en 2013 en tant que commissaire de l’exposition Fuck off 2 au Groninger Museum, Pays-Bas. Son pays natal en revanche n’y est pour rien. Galeries fermées, profil weibo (twitter chinois) bloqué à trois reprises, shooting en extérieur interrompu… Incompréhension, intolérance ou agressivité ? Pas d’explications à ces sabotages censeurs qui n’entament en rien son patriotisme : « Mon pays, j’y suis très attaché. Je sais qu’il deviendra plus ouvert, mais la meilleure façon de le changer, c’est d’y aller petit à petit. » Nous l’avons rencontré en janvier à la veille de son vernissage à la galerie Nue de Pantin. D’une voix douce, assis de profil, s’accrochant au regard de son traducteur, le grand jeune homme originaire de Changchun, au nord de la Chine, dégage une confiance réservée.
L’effet du flash
En attendant des jours cléments sur les terres du président Xi Jinping, les photos de cet ex-étudiant en publicité font le tour du monde. Russie, Italie, Suisse, Grande-Bretagne, Autriche, France… D’un point cardinal à un autre, il aiguise une esthétique sans relief, à mille lieux de Photoshop, et détruit les clichés de beauté occidentaux. Célébrant la nudité des corps sous une lumière puissante – « J’aime le flash, car il représente les choses telles qu’elles sont » –, les scènes, prises sur le vif, captent en gros plan des mains baladeuses, des sexes exaltés et des corps entremêlés. Pourtant, inutile de lui coller l’étiquette d’artiste provocant : « Je ne pense à rien quand je travaille, c’est au public de donner un sens. Si les interprétations sont différentes, tant mieux. » Sur ses nombreuses représentations de couples homosexuels, il est encore plus réservé : « J’espère que mes photos aideront à plus de tolérance, mais ce n’est pas mon intention initiale », dit-il, enlevant son manteau après vingt-cinq minutes de discussion.
Ren Hang : « J’ai mes limites, mais je ne les ai pas encore identifiées. »
Le parallélisme avec Terry Richardson s’arrête à l’intime ultra désinhibé, car chez Ren Hang, le cru n’est jamais loin du romantisme, le choc, de la poésie. « J’ai mes limites, mais je ne les ai pas encore identifiées. » La confiance qu’il entretient avec ses amis/amants modèles ne l’aide pas à les trouver, elle aboutit au contraire aux positions les plus osées : une cigarette dans une vulve, un pénis dans un bouquet de fleur… un travail qu’il n’a pas encore osé montrer à ses parents.
Sur la table au fond de la galerie, où ses photos l’entourent, repose l’appareil acheté sur eBay qu’il utilise depuis ses débuts à 20 ans. Couleur boîte de conserve, l’argentique tout rayé séduit son propriétaire par sa simplicité : « Je ne connais pas bien les techniques du numérique », confie-t-il en riant. Son savoir-faire low tech, son aplomb humble, son smartphone dernier cri et son sweat Adidas Originals sont les codes d’une génération décomplexée, plus avide de sensations que de revendications.
Par Elsa Puangsudrac
L’Art contemporain en Chine
Caroline Ha Thuc
En couverture : Ren Hang
Anatomy Of The Image
Une exposition personnelle des photographies de Ren Hang présentée par Dominique Dutreix, Raphaele Godin et Anatole Maggiar.
Avec le soutien de COFFIM, des laboratoires Janvier, de Photographers et MAD Agency.
Galerie 104 Kléber
Du 26 septembre au 1er octobre