Portico Quartet électro-jazz réchauffé au wok

L’impression de s’enfoncer dans un lit ouateux. Il y a dix ans, deux Anglais se pointent au Womad, grand raout des musiques du monde lancé en 1982 par Peter Gabriel, installé cette année-là à Reading, au sud de l’Angleterre. Et tombent sur un drôle de truc : un hang, version avancée du gamelan balinais conçue par des Suisses qui ressemble à deux woks posés l’un sur l’autre. Nick Mulvey, batteur, l’achète par curiosité – au pire, ça fera une bonne déco. Après quelques essais, il découvre que le hang peut avoir des sonorités incroyables – le lit ouateux, donc. C’est le point de départ de Portico Quartet, n’ayant jamais réellement choisi entre jazz et pop, concentrés sur l’alchimie étrange pouvant nouer entre eux un bassiste, un saxophoniste, un batteur et… un joueur de hang, lançant des rythmiques répétitives et caressantes que la contrebasse habille harmonieusement, le tout enveloppé par les errances du saxo. Portico Quartet, c’est Sigur Rós sans voix haut perchée, Philip Glass en plus cool, Pink Floyd sans les guitares. Des choix judicieux qui les amènent en 2008 à être nommés au Mercury Prize, outsiders incongrus entre Radiohead, Elbow ou The Last Shadow Puppets – vous en aviez entendu parler, vous ?


Ce manque sera comblé cette année avec leur troisième album homonyme, qui non seulement réconciliera les habitués du Motel avec ceux du Duc des Lombards, mais fera aussi sortir de leurs caves les amateurs de dubstep et dodeliner les abonnés un peu raides de la Cité de la Musique. Evolution logique pour quatre trentenaires traînant comme Hot Chip du côté d’Hackney : Portico s’est mis à l’électro. Zéro beat revanchard, mais des textures douces comme les seins de Meat Loaf dans Fight Club, faisant office de virgules bien placées dans leur grammaire sonore toujours aussi cohérente – au passage, Keir Vine aura remplacé Nick Mulvey derrière le hang. Après James Blake redonnant au dupstep sa virginité soul, Portico Quartet l’élève très haut, vers les sommets de Steve Reich.


Portico Quartet
Real World / Harmonia Mundi
Live! Hang over le 6 février au Café de la Danse, Paris.