En 2010, Perez Hiltonle persifleur diabolique du tout-Hollywood clame partout qu’il est sur le point de quitter la blogosphère pour le petit écran. Quatre ans plus tard, après quelques apparitions dans la télé-réalité Bad Girls Club ou la série Glee, l’homme qui a crée “le site web le plus haï d’Hollywood”, n’a toujours pas quitté internet, sa zone de confort. Retour sur un personnage accro au gossip (Standard n°27).
©Scriptographer d'après une photographie d'Austin Young

©Scriptographer d’après une photographie d’Austin Young

« Je ne comprenais pas le cas Perez Hilton : comment les célébrités pouvaient lui lécher autant le cul alors que son job consistait à se moquer d’elles en dessinant des verges en érection sur leurs photos ? »* Depuis quelques mois, il y a pourtant des nouveautés sur perezhilton.com : la « Perez TV » rediffuse des clips « coups de cœurs » et des moments télés « d’anthologie », comme cette performance live de Jelena Karleusa, une Lady GaGa serbe hallucinante. Il a aussi lancé sa propre série animée, Assisted Living ou les aventures de Maxi Lider, une personal assistant de célébrités, avec des dessins rétros des moins flatteurs pour les stars concernées où dès le premier épisode, Pete Doherty et Amy Winehouse s’embrouillent pour des histoires de coke et de crack. Perez aime la télé ? Et pas qu’un peu ! Apparu dans de multiples talkshows pour sa promo personnelle, il aura aussi été sollicité dans des épisodes de Paris Hilton’s New BFF où la jet-setteuse recherche une nouvelle meilleure amie, dans Bad Girls Club (sept tarées condamnées à vivre ensemble pendant quatre mois) ou au birthday des gosses de riches de Mon Incroyable anniversaire sur MTV. Son actualité 2010, c’est son émission de téléréalité, Boys Band Search, pour dégoter LE nouveau piège à filles, sexy et bodybuildé. Et surtout cette rumeur : Perez serait en lice pour remplacer Simon Cowell, le juge-roi d’American Idol.

Cinglé du feutre blanc

Rappel des méfaits. Si les Jonas Brothers s’ornent souvent de petits cœurs en dessous de la ceinture, le Gossip Gansta n’y va pas de main morte avec d’autres : Vicki Gunvalson, quadra blonde décolorée qui participe à l’émission de téléréalité Real Housewives of Orange County, a vu l’une de ses photos agrémentée de « vieille pute » en grosses lettres blanches et d’un petit trait singeant du sperme dégoulinant de sa bouche – pure poésie. Le cinglé du feutre a aussi lancé CoCo Perez – where celebrity meets fashion (clin d’œil à Coco Chanel) délivrant l’actu des stars et de la mode, sur tapis rouge ou au café. Il maquille son site comme une plateforme publicitaire et deale avec les labels pour lancer de nouveaux artistes musicaux (Mika et Sliimy lui disent merci). Et dans l’arène des cancans, cela fait six ans que ça dure.

Los Angeles, 2004. Mario Armando Lavandeira Jr., 26 ans et Cubain d’origine, tente une carrière d’acteur (avortée – on le voit vingt-deux secondes dans la saison 3 des Sopranos) et travaille pour une association et des publications gays. Le journaliste américain Japhy Grant, proche du futur Perez Hilton au point de lui avoir « donné l’idée » du blog, se souvient : « Mario a commencé par poster des news sur Friendster. Quand je me connectais, il y avait vingt messages de lui commentant le cul de Robbie Williams. Je lui ai conseillé de se créer un blog. Il m’a demandé ce que c’était. Je lui ai montré. » C’est l’heure de son premier site, infernal : « PageSixSixSix.com ». Six mois plus tard la machine s’emballe : le nombre de consultations explose et le magazine The Insider le surnomme « Hollywood’s most hated website », slogan toujours en place, en guise de bienvenue sur ce qui est devenu depuis perezhilton.com.

Japhy Grant : « Son reality-show n’existe que dans sa tête, comme sa possible présence dans American Idol. »

Une blague trop longue ?
Quatre millions de visites par jour, des papiers dans la presse du monde entier. La « Reine des médias » se donne pour mission de démonter la langue de bois hollywoodienne. Quand Tiger Woods confesse ses infidélités et sa dépendance au sexe, Perez dessine un gigantesque pénis sur un cliché du golfeur embrassant un trophée, avec des « connard », « crétin » ou « abruti », et opère un glissement sémantique subtil en passant de « maîtresses » à « putes » pour désigner les concubines du sportif, se gargarisant du moindre détail cochon, de la plus petite sextape. Pourquoi, pourquoi tant de haine ? Toujours selon Japhy Grant, « dans son esprit, si tu choisis d’être une célébrité, c’est le jeu ».
Retour de baston : dès 2007, ses chiffres de pages consultées sont contestés. Jennifer Aniston et Colin Farrell lui collent des procès et les agences de paparazzis lui reprochent de ne pas payer les droits des photos publiées – dilemme via lequel il faillit perdre son hôte web. Et sa spécialité, le coming-out forcé de célébrités, pèse comme une blague trop longue. Hilton y voit « une mission de service public ». Lance Bass (‘N Sync à la retraite) ou Neil Patrick Harris (How I Met Your Mother) en auront fait les frais, contraints de révéler leur homosexualité suite à sa pression. Ce qui vaut au blogueur la condamnation de nombreuses associations gays et lesbiennes, dont GLAAD, avec laquelle il était engagé au début de sa carrière. Son porte-parole Damone Romine déclare : « Nous ne soutenons pas la spéculation médiatique sur l’orientation sexuelle d’une personnalité. ». Malgré les critiques, Perez s’impose devant les caméras.

 « Il est partout »
Perez rêve de télé ? Attendons de voir Boy Band Search, dont les présélections se sont achevées en mars sur le Net. Aboudé par Simon Cowell, Hilton obtiendra-t-il le siège tant convoité d’American Idol, poursuivant ainsi la dynastie des langues de pute ? Réponse en mai, à la fin de la huitième saison de l’impitoyable télé-crochet. Des posts à répétition sur son site, criant son amour pour l’émission, font campagne pour lui. Quand on a quatre millions de visites par jour, ça peut aider. Son premier essai cathodique n’avait rien de concluant : en 2007, VH1, chaîne câblée de la famille MTV, crée What Perez Sez About, adaptation de son site sur petit écran. Mêmes tenues flashy, ton presque aussi vulgaire, Perez, armé d’une caméra, court après les stars dans les soirées hollywoodiennes. Il n’y aura que cinq numéros. « Ça s’est planté, rappelle Japhy Grant, qui n’hésite pas à montrer ses doutes quant au destin télévisuel de son ami d’antan. Son reality-show n’existe que dans sa tête, comme sa possible présence dans American Idol. Il fait en sorte de présenter son actu comme un fait accompli dans les médias, espérant que son rêve devienne réalité. »
En d’autres termes, la véritable arme de Perez Hilton ne serait qu’un talent particulier dans l’art de la persuasion. Quand on y réfléchit, rien d’officiel côté American Idol et Boy Band Search n’a toujours pas de chaîne de diffusion. « Il est partout parce qu’il réussit à convaincre les journalistes que son battage médiatique, créé pourtant de toutes pièces, est réel », commente l’ami d’antan. Aïe, on se serait donc fait avoir ? Et pour Japhy, Perez et la télé, ça peut encore aller loin ? Exclamation de notre interlocuteur : « Tu sais quoi ? Perez aura un jour sa propre chaîne ! Et on verra une émission qui s’appellera : Oh ! Mes Couilles ! ».

* Elise Costa, Comment je n’ai pas rencontré Britney Spears (Editions Rue Fromentin)

Par Nadia Ahmane

« Les gossips, c’est du McDo »

Perez Hilton

On a voulu rencontrer Perez Hilton face to face à Los Angeles. Non. On a proposé une interview par Skype, un entretien « sympa » comme il l’a fait avec Katy Perry ? Non. L’attaché de presse nous impose l’email. On a envoyé douze questions, il n’aura répondu qu’à cinq. Tout ça aura pris trois mois. Pour un blogueur qui dégaine dix posts par jour et qui s’attache à démonter l’hypocrisie hollywoodienne…

Ta définition du gossip ? Est-ce une drogue ? Une religion ?
Perez Hilton : Ni l’une ni l’autre. C’est une forme de divertissement et j’essaie de rester loin du potin. Ce que j’aime, c’est de discuter des nouvelles liées aux célébrités. Mais j’avoue : j’adore cancaner.

Quelle est ta relation avec tes lecteurs ?
Sans eux je ne suis rien, ils font partie intégrante de cette expérience. J’aime voir ça comme du partage. Je partage avec eux et ils partagent avec moi, ils me donnent des infos, je leur en donne, ils laissent leurs commentaires et m’envoient des tuyaux. C’est comme un voyage, ce qui rend la chose spéciale.

Ton but semble d’éradiquer l’hypocrisie hollywoodienne, mais on te reproche d’être devenue une star. Qu’en penses-tu ?
Je trouve ça très drôle. Je n’avais jamais prévu d’en devenir une. Et le fait d’être un chouia connu en parlant des célébrités est pour moi hilarant. Et stupéfiant.

Pourquoi les gens aiment-ils gossiper ?
Pour la même raison qu’ils vont au McDo : c’est rapide et facile.

Et toi ?
Parce que je suis fasciné par la star culture et les célébrités.

Par N. A.