Peine Perdue : retour vers le no future
C’est la symbiose télépathique qui agrège le dialogue synthés/voix de Peine Perdue. Coco Gallo et Stéphane Argillet : enfance à Lourdes et formation de graphiste pour elle, origines suédoises, artiste expatrié à Berlin et membre du trio La Chatte pour lui, se sont rencontrés à Paris par l’intermédiaire d’amis : « Notre amitié s’est construite autour de ce projet musical », commence Coco. « Au début, on jouait aux cadavres exquis, on faisait de la poésie improvisée, continue Stéphane. Quand on a vu que des textes intéressants émergeaient, j’ai proposé de les mettre en musique. » Descendants spirituels de Siouxsie and the Banshees, ces esthètes corps et âme s’insinuent dans les têtes et noircissent les consciences avec un rock décharné, constellé de tâches électroniques sous une lumière blafarde. No Souvenir est un ready-made habile répertoriant pour mieux les distordre tous les tics de la coldwave, ses fétiches ne dépassant que rarement les brumes de l’an 80. Le mystère qui entoure ce premier album évoque plus l’univers vicieux d’un Suicide que la mollesse d’un Tears For Fears ou le cabaret kitsch d’un Soft Cell.
Ils laissent néanmoins les tocades goths au placard, en lâchant plus de plumes de dodos que de corbeaux, le tout produit sur un mode électro lo-fi : « Le premier jet est presque toujours le bon. Revenir dix fois sur un morceau n’a rien d’excitant, autant en refaire un autre », explique le beau Nordique peroxydé. Le talk over sorcier de sa nymphe y consume un mélange de détachement et de sensualité capable de vous envoyer vous pendre pour elle et de vous faire trouver ça délicieux. L’inquiétant Parenthèse rappelle l’icône punk parisienne des 70s Edwige Belmore, sa voix pâle, laquelle déborde sur l’élégant Apparition Américaine, qui prouve que le duo trouve parfois l’ouverture de sa camisole et tend davantage à rechercher l’ivresse que la désolation.
Le clap :
Le titre La Chute a été inspiré par la séquence finale du film d’épouvante La Chute de la maison Usher de Jean Epstein (1928).Le glitch :
Un certain gargarisme de la mélancolie militante, sorte de réconfort sans les efforts.
La chanson qui résume votre relation ?
Lovely Day de Front 242. C’est le morceau sur lequel nous nous sommes rencontrés musicalement, nous en avons la même compréhension, et il a accompagné et inspiré nos premières sessions de travail. Il est puissant, exigent, ne vous laisse pas le choix, comme une histoire d’amour, perdue.