Paul Dano acteur principal de “For Ellen” ose la métaphore culinaire et l’ex-ado mutique de Little Miss Sunshine salue ses pairs.

Paul Dano interview francais standard magazine Marie Planeille

Paul Dano @ Marie Planeille

On le croyait disparu sous les coups du Daniel Day-Lewis de There Will Be Blood, la fresque pétrolière de Paul Thomas Anderson (2008). Or, Paul Dano, New Yorkais pur jus de 28 ans, intello pâlot ayant fait de son visage étrange une force d’attraction depuis les larmes muettes de Little Miss Sunshine (Jonathan Dayton et Valerie Faris, 2006), continue de siphonner les plateaux et tout particulièrement ceux de cette rentrée. Parce qu’on ne nous les a pas montrés, on passera sur Monsieur Flynn, retrouvailles d’un travailleur social avec son père écrivain clodo filmées par Paul Weitz (Comme un garçon), tout en salivant sur Looper, thriller S.-F. post-Armée des douze singes signé Rian Johnson (Brick) avec Joseph Gordon-Levitt et Bruce Willis, dans lequel Paul n’a « qu’un petit rôle de meurtrier ».

Le reste, c’est For Ellen et Elle s’appelle Ruby, doublé indé soufflant le froid et le chaud, la neige de Massena et le soleil de L.A. La rock-star épuisée sommée de renoncer à sa paternité et l’auteur angoissé cohabitant pour de vrai avec l’un de ses personnages. Le drame existentiel habile et la comédie concept un peu vaine, baromètre assez net des compétences de ce freluquet salué d’un prix générationnel – dit du « nouvel Hollywood » – à Deauville. Ce qu’il nous commente « le corps un peu fatigué » par le décalage horaire, tandis que sa copine (Zoe Kazan, actrice et scénariste de Ruby) lui fait les cornes pendant les photos.

Paul Dano : “Facile de faire un film où les seins grossissent d’un seul coup.”

Dans For Ellen, la rock-star que vous incarnez hurle à son partenaire qu’il faut savoir mettre « du cœur » dans son art – « some real shit ». Qu’avez-vous mis de réel dans ce rôle ?
Paul Dano : Le défi, à chaque fois, est de parvenir à révéler un individu qui se trouve, je suppose, à l’intérieur de moi. Pour Joby Taylor, je me suis aidé de moult tatouages, de bijoux, je me suis peint les ongles, j’ai lu l’autobiographie de Slash et de Tommy Lee, j’ai regardé leurs clips, leurs posters, écouté leur musique et réfléchi sur ce style de vie un peu vain qui démarre par des rêves à 12 ou 16 ans dans un garage en fumant des clopes, convaincu d’être un vrai dur.
Et dans Elle s’appelle Ruby ?
Pour interpréter ce romancier pur-sang, je me suis demandé ce que devait être de se lever pour écrire de huit heures à midi tous les jours, y compris ceux où ça ne vient pas, où vous êtes terrifié, paralysé. J’ai lu les carnets de John Steinbeck et des dizaines de citations d’écrivains sur l’aspect sacré de leur routine créative. Je me suis aussi renseigné sur la façon dont sont traités des auteurs contemporains dans les médias, comme Jonathan Safran Foer. Mon personnage, Calvin, souffre de n’avoir pas su rebondir sur un succès dans un monde où tout se sait très facilement.
Calvin est en permanence comparé à J.D. Salinger. Pourriez-vous écrire sur cet exemplaire de L’Attrape-cœurs ce qu’il pense de ce roman ? Je lirai ça à la fin de l’interview.
Je ne suis plus Calvin, mais OK.
Ce romancier en panne voit surgir dans sa vie l’un de ses personnages, prototype de la copine idéale. Il peut lui faire faire ce qu’il veut, mais curieusement, n’abuse jamais de ce pouvoir. Pourquoi ?
A la fin, c’est plutôt sombre, quand même.
Quand il la fait parler français ? Ou imiter un chien ? C’est gentillet, non ?
Non, c’est émotionnel, sombre. Bien sûr, ç’aurait été plus facile de faire un film où ses seins grossissent d’un seul coup. Au lieu d’imaginer une comédie magique, Zoe a préféré étudier la relation entre l’auteur et sa création.
Vous écrivez, vous ?
… Non. Peut-être. Un peu. J’essaie… Plus jeune, j’ai écrit beaucoup de chansons folk-rock. J’écrirai probablement un film un jour, même si j’ignore encore si j’en suis capable. J’ai étudié la littérature à l’université, et je ne prends pas ça à la légère.


Qu’avez-vous appris en fréquentant vos idoles ? Elliott Gould, qui joue votre psy dans Ruby ?
Nous n’avons passé qu’une journée ensemble, mais je lui ai posé des questions sur les réalisateurs avec qui il a travaillé, ou sur sa vie démente ; il était copain avec Groucho Marx quand celui-ci était sur le point de mourir, ou avec le chanteur Harry Nilsson. Je lui ai dit que Le Privé [Robert Altman, 1973] et California Split [idem, 1974] comptaient parmi mes films préférés. Il adore le basket-ball, et moi aussi, donc nous en avons pas mal parlé aussi. Mais sur le plan technique, voyons… il était incroyablement présent. Comme un enfant, presque. Adorable, jamais ailleurs. Mon personnage pérorait couché sur le divan, et à chaque fois que je le regardais, il était totalement intéressé par ce que je disais. Même à la vingtième prise !

Paul Dano : “No bullshit”

Robert de Niro dans Monsieur Flynn ?
Il est réellement… no bullshit. Il ne force rien, tout arrive très naturellement. Parfois, une prise suffit. Mais il est patient et si la séquence choisie n’est pas sa favorite parce que la wave n’était pas là, il accepte.
Et Daniel Day-Lewis dans La Ballade de Jack & Rose [Rebecca Miller, 2005] et surtout There Will Be Blood ?
Beaucoup de gens sur cette Terre ont du talent et tous se demandent : jusqu’à quel point vais-je être capable de le développer ? Daniel se donne clairement des défis. On ne voit jamais par quelles étapes il passe. Je ne voulais d’ailleurs rien savoir ; à la fin de la journée, on se serrait la main, point. Ne pas parler de nos trucs, c’est… comme quand je prépare une sauce pour mes spaghettis : réchauffée, elle est meilleure, parce que les ingrédients sont mieux mélangés. Si on avait déjeuné ou plaisanté en dehors du tournage de There Will Be Blood, les choses auraient été moins paisibles. Ne pas se mélanger pour mieux se mélanger, oui. Garder ses distances a plus de goût, je trouve. [Silence.] Bon, cette métaphore sur la sauce est très mauvaise. Je tâcherai de trouver plus éloquent la prochaine fois.

Et sur la page de garde de notre édition usée de L’Attrape-cœurs, il a inscrit : « Un jour je le ferai. Ecrire quelque chose dont je serai fier et qui parlera pour soi. Puis je disparaîtrai. »

Paul Dano For Ellen standard
For Ellen de So Yong Kim
Paul Dano Elle s’appelle Ruby standard
Elle s’appelle Ruby 
de Jonathan Dayton et Valerie Faris