Pascal Rostain : le paparazzi vérifie ses infos
Cet été, Standard revisite l’analyse de la culture people de son numéro 27 , spécial Gossips, publié en avril 2010.
Episode 1 : les photographes de caniveaux dont on essayait de réanglé la démarche avec le plus couru d’entre eux, Pascal Rostain. Quatre ans plus tard, l’exposition Paparazzi !, qui s’est terminée en juin au Centre Pompidou Metz, en réhabilite d’autres .
Pascal Rostain, 51 ans, dénicheur de scoops retentissants – Cécilia Sarkozy et Richard Attias pour la France, Beyonce et Obama pour les USA –, se voit comme un « journaliste d’investigation, un chasseur d’images qui vérifie les infos.» Clic-claque.
A vos débuts, quelle était l’image des paparazzis ?
Pascal Rostain : Quand j’étais jeune, je ne connaissais même pas le mot, inventé par Fellini dans La Dolce Vita [1960]. Ça n’avait pas cette connotation agressive : on faisait partie de l’environnement des célébrités, on était moins nombreux et pas du tout cachés. Si Romy Schneider n’était pas bien, on la laissait tranquille, et quand elle allait mieux, on refaisait des photos. C’est justement l’objet d’un livre que nous aimerions publier cette année avec Bruno Mouron [avec lequel il travailla dix ans à Paris-Match avant de fonder ensemble l’agence Sphinx].
Des clichés de « l’âge d’or » des stars ?
Ce seront nos photos d’archives prises entre 1960 et 1985, c’est-à-dire avant que la presse magazine passe massivement du noir et blanc à la couleur. On verra Grace Kelly, Steve McQueen, Jackie Kennedy et ses enfants pieds nus à Saint-Tropez… Quand tu regardes celles avec Liz Taylor, Richard Burton ou la Callas, tu vois qu’on n’est pas cachés derrière des téléobjectifs : c’est au flash, avec les stars sur le trottoir, dans la rue, devant chez Dior. Une autre ambiance.
Pascal Rostain : « Pourquoi ils ne nous ont pas attaqués ? Parce qu’ils savent ce qu’on n’a pas montré. »
C’est quoi la presse people aujourd’hui ?
L’Express, Le Nouvel Obs, Le Point. Ils ne font que des couvertures sur les people ! J’en parlais l’autre jour avec Christophe Barbier [directeur de la rédaction de L’Express], en demandant : « Vous allez vous arrêter où ? » Il a répondu : « On reçoit trois lettres de vieux réac’ qui se désabonnent, mais ça marche. A chaque fois, on fait 20 % de ventes en plus ! »
A partir de quand est-on rangé dans la case « people » ?
Je préfère le mot célébrités. Dans les années 90, les top-modèles étaient très médiatisées. Après, il y a eu les présentateurs télé puis les sportifs. Les politiques qui utilisent leur vie privée pour promouvoir leur carrière, ça a toujours existé : regardez les photos de J. F. K. avec son gamin sous le bureau. Ou Jack Lang qui annonce sa candidature à l’élection présidentielle de 2007 dans Voici ! Quand Ségolène Royal dénonce Paris-Match pour des photos d’elle en maillot de bain, c’est la même qui invitait le même magazine et Antenne 2 pour la naissance de sa fille [en 1992]. Aujourd’hui, le drame, c’est qu’on vend des gamins issus de la téléréalité qui n’ont rien fait à des magazines populaires tels que Closer ou Public.
Et quand vous avez un scoop que personne ne veut le publier ?
Ça m’attriste. La presse française appartient à des marchands de canons : Libération à Rothschild, Le Point à Pinault. Il ne reste de libres que Marianne et le Canard Enchaîné.
Qu’est-ce qui vous plaît dans ce métier ?
Révéler des choses auxquelles le public n’a pas accès. Quand je fais le premier une couverture de Paris-Match avec les photos officielles Nicolas Sarkozy et Carla Bruni à l’Elysée, je suis seul avec eux. Ça n’a été vu nulle part.
Avec Bruno Mouron, vous êtes entrez dans l’art grâce à Trash, photos de poubelles de stars reprises dans Vanity Fair ou El Mundo. C’est parti de quoi ?
En 1988, un article du Monde révélait qu’un sociologue avait étudié les poubelles de dix familles françaises. On découvrait la personnalité des gens à travers leurs déchets, ce qu’ils mangent, boivent, fument, lisent, s’ils ont des enfants, des animaux… A l’époque, je faisais des photos de Gainsbourg et un jour, je lui ai pris une poubelle. Au studio, je l’ai étalé façon taxidermiste, sur fond noir. Une telle caricature de Serge ! Des paquets de Gitanes, les bouteilles de Ricard… On a décidé de le faire avec d’autres. Comme c’est très intime, on l’a fait de façon élégante, le principe n’étant pas de dévoiler un scandale. Donc on a enlevé tout ce qui avait une connotation médicale ou sexuel (les anabolisants pour les sportifs, le Viagra, des sextoys…)
Quelles ont été vos cibles ?
Brigitte Bardot, Jean-Marie Le Pen, Bernard Tapie, Depardieu. Puis à Los Angeles : Madonna, Sharon Stone, Michael Jackson, Ronald Reagan, Jack Nicholson, Marlon Brando…. Qui ne nous ont pas attaqués. Pourquoi ? Parce qu’ils savent ce qu’on n’a pas montré. On n’est pas là pour leur porter préjudice mais pour faire un portrait.
Trash continue ?
Avec Bruno, depuis cinq ans, on réalise la première étude de la mondialisation : on fait les poubelles d’une famille ordinaire dans quarante pays. On voit ainsi l’effacement des identités culturelles des pays à travers leurs ordures : pour caricaturer, partout du McDo et du Coca-Cola. Le Malawi, l’un des pays les plus pauvres du monde, c’est très propre ! Pas de plastique, pas d’emballage, principalement des déchets naturels. En Polynésie : feuilles de coco, arêtes de poissons. On cherche des financements. Mais nous ne sommes pas les premiers à nous intéresser à ce qu’on appelle la rudologie.
Vous avez un scoop ?
Comme ça, là ? Gratos ? Carla est enceinte… depuis maintenant trois ans. Et le bébé sera directement élu président de l’EPAD.
Quelle est la rumeur la plus tenace ?
En 1987, Jean-Noel Kapferer est invité à Nulle part Ailleurs pour son livre Rumeurs, le plus vieux média du monde. Il y avait aussi Sheila. Elle a eu cinq minutes de pur génie ! Elle a dit : « Je vais expliquer aux téléspectateurs pourquoi ça ne sert à rien d’acheter votre livre. Tout le monde connaît la rumeur me concernant : je serais un homme. (Elle se lève) Donc je vais soulever ma robe et baisser ma culotte… » Elle attend quinze secondes et se rassie : « Vous savez pourquoi je ne vais pas le faire ? Parce que la rumeur va dire l’opération a bien réussie ! »
Pourquoi y-a-t-il tant de rumeurs dans la presse ?
Le problème, c’est que la source principale d’information des journalistes, c’est Internet. Peu de gens se déplacent pour un papier. J’ai eu un portrait de moi dans Le Monde 2, un papier très bon mais ils ne m’ont jamais rencontré ! Pas un coup de téléphone ! Et c’est Le Monde ! J’ai aussi suivi le couple présidentiel l’année dernière à New York [Pascal Rostain est ami avec Carla Bruni depuis vingt ans]. En trois jours, on s’est fait pas mal de musées, lui faisait du jogging et elle a acheté un nounours pour son fils dans la boutique de l’hôtel. Libé a titré « Après le shopping, Sarkozy parlera de la crise financière » [le 23/09/2008]. Genre, la pétasse qui fait du shopping sur la Ve Avenue !
Le scoop dont vous rêvez ?
Mon obsession : retrouver Ben Laden. Je ne sais pas combien paieraient les Américains pour ça. Mais si je l’ai, Obama n’aura qu’à dépenser un dollar dans un magazine au coin de la rue pour voir où il se trouve.
Par Margaux Duquesne
Trash
Catalogue d’exposition
Maison Européenne de la Photographie, 2007
Bruno Mouron & Pascal Rostain
Bruno Mouron & Pascal Rostain
Scoop – Révélations sur les secrets d’actualité
Flammarion, 2007
Pascal Rostain
Voyeur
Grasset, 2014
Bruno Mouron, Pascal Rostain, Christophe Régnault
Chasseurs de scoops : L’histoire vraie des photos qui ont secoué la République
Glénat, 2012
Depuis janvier, la « loi Britney Spears » fait trembler Los Angeles.
Votée à l’automne dernier, une loi dite « anti-paparazzi » est entrée en vigueur en janvier dans l’Etat de Californie. Surnommée « loi Britney Spears » en raison de l’acharnement de certains vautours à harceler la chanteuse, elle permet de condamner à hauteur de 50 000 dollars le fait de photographier ou enregistrer les stars exerçant une « activité personnelle ou familiale ». Fini les images des « Branjelina » au supermarché ? Les médias qui publieraient ces clichés sont également condamnables. Egalement sur la sellette, tout paparazzi utilisant des méthodes qui mettraient en danger la vie d’autrui (notamment des courses-poursuites en voiture, comme celle qui causa début octobre un accident à Nicole Richie).
Soutenu par Jennifer Aniston, le gouverneur Arnold Schwarzenegger a joué un grand rôle dans la promulgation de cette loi, lui dont l’automobile fut encerclée, en 1998, par des photographes alors qu’il s’y trouvait avec sa femme pour chercher leur fils à l’école. On attendra de voir son application par la justice US avant de sonner la révolution dans la presse hollywoodienne – il y a fort à parier que les tabloïds dépenseront simplement plus d’argent pour voir Kirsten Stewart au Starbucks. M. D.