Névrose et humour pour migraine palestienne
Raed Andoni n’a pas de bol. Palestinien vivant à Ramallah (pas le lieu le plus paisible de la planète), il souffre depuis des années de terribles migraines. Et si les deux étaient liés ? Andoni prend sa caméra pour mener son enquête entre sessions chez le psy et interviews de ses congénères. Tout le monde le sait, le meilleur moyen de parler d’une situation universelle est de passer par l’intime. C’est le modus operandi de Fix Me, documentaire aux limites de l’autofiction. Sauf qu’on n’est pas chez Christine Angot. A de pénibles jérémiades, Andoni préfère trifouiller ses névroses – avec humour. Cette arme de distraction massive fait plus que mouche dans cet inattendu portrait en creux de la situation au Moyen-Orient. Un choix logique : nombreux sont les intellectuels (comme Edgar Morin en 2002) ayant dépeint la condition palestinienne comme une pathologie. Andoni ne décrypte pas pour autant le conflit : il veut comprendre comment vivre en tant qu’individu dans cet énorme bordel collectif.
Droopy en thérapie
C’est encore le psy d’Andoni qui résume le mieux la chose. Lorsque son patient dit qu’il voudrait trouver une place entre le ciel et la terre, il lui propose de rester debout sur un tabouret. Comme son auteur – et son pays – Fix Me a le cul entre deux chaises, mais elles sont solides : cet imprévisible film tient à la fois du cinéma ironique d’Elia Suleiman (Intervention divine) et du regard critique d’Avi Mograbi (Z32). La touche personnelle étant cette capacité à avouer son impuissance et son incompréhension de la situation. « Il y a un sens à tout ça. Mais je ne sais pas lequel. »
Malgré un plan où l’auteur sirote une bière face à un panneau « niveau de la mer » surplombant non pas des vagues, mais un embouteillage, Fix me n’est en rien aquoiboniste. Ce Droopy en thérapie ne milite pour aucune autre cause que la sienne : celle d’une quête de bien-être, passant par cet acte de résilience cinématographique. Le contexte, Andoni le laisse à d’autres, son jeune neveu par exemple, convaincu qu’il pourra changer le monde par l’activisme. Le credo de Fix Me de se résumer par cet échange :
« – J’essaie juste de faire un film sur mes migraines.
– Tu crois que tu es fou ?
– Nous le sommes tous, non ? » —