My name is Standard
La conception graphique de ce numéro « 2 » est de MY NAME IS, un binôme qui module aussi bien l’univers d’Adidas que du Centre Pompidou. Sur ce très bon a priori, on a quand même patienté jusqu’à la fin du bouclage pour leur dire tout le bien qu’on pense d’eux.
Au bureau de Standard, sur le grand carré blanc qui fait office de table communautaire, une invitation verte à typo blanche annonce le lancement de la nouvelle Stan Smith. Nous sommes en janvier. Pour promouvoir cette édition du modèle de 1978, Adidas investit la Gaîté Lyrique (Paris 3e) avec une performance de Benjamin Millepied et We Are From L.A. Parmi les invités, Phoenix ou Kanye West. Aux couleurs de la basket, le carton se détache sur le tas de programmes et lookbooks. Personne ne sait encore que ceux qui l’ont conçu, Thomas Ibars, 27 ans, et Alexandre Bouichou, 31 ans, les My name is, seront les graphistes en chef du numéro que vous tenez entre les mains.
On a les avait découverts à l’exposition collective New Topographic Designers à la galerie Artligue (en octobre 2013 à Paris). Sur une proposition de Vanessa Titzé, des graphistes étaient invités à travailler sur le thème de la photograhie. Des noms connus comme Antoine + Manuel (Christian Lacroix, Habitat, Galeries Lafayette…), Laurent Fétis (théâtre de Gennevilliers, galerie 12Mail, musée d’Art moderne de la Ville de Paris…) ou Helmo (palais de Tokyo, Gaîté Lyrique…) ; d’autres à suivre comme le Coréen Sanghon Kim (lire Standard n°40), les Hollandaises Pinar & Viola… sur les travaux desquels le milieu créatif parisien est venu river son regard affûté. Le nôtre s’est fixé sur deux aplats, un noir l’autre rouge, avec des chiffres blancs postillonnés comme les étoiles sur une carte du ciel. Ils renvoient chacun à la description d’un élément de l’image qu’on ne voit pas. La légende mentionne une photo de William Eggleston. Simple et efficace. On retient ces deux Parisiens, à qui on propose la carte blanche graphique de ce numéro spécial « duos ». Sur leur site, les noms des clients s’alignent au leur : My name is BB Brunes, My name is Sony, My name is Hey Hey My My…
Ravis d’être le premier magazine à figurer dans la liste des disques, T-shirts (pour Sixpack), sites (Collection Lambert en Avignon), vidéos, affiches, livres – Who is John Doe ?, pour le photographe Geoffroy de Boismenu, a été primé en 2013 par le Club des Directeurs artistiques –, on les soumet à un interview sommaire. Le concept ? Répondre aux questions posées aux personnalités rencontrées entre nos pages.
Interview sommaire. Questions posées :
1. Aux artistes des cartes blanches p. 84
2. A Sébastien Tellier p. 46.
3. Aux dessinatrices du portfolio p. 110
4. Aux auteurs de romans p. 116
5. A We Are From L.A. p. 58
6. à Pierre et Gilles p. 64
7. Aux duos musique p. 34
8. A Lou de Laâge et Joséphine Japy p. 28
1. Qu’est-ce qui est le plus facile à deux ?
Chacun doit sortir de ses habitudes. C’est pas mal pour la créativité, ça multiplie les ressources et l’énergie. Le truc, par contre, c’est qu’il n’y a pas d’arbitre pour trancher : quand il y a un désaccord, il faut arriver à le transformer en quelque chose de productif. Ça ressemble un peu à une structure de couple en fait, avec parfois des tensions. Enfin, on arrive à ne pas s’engueuler.
2. Comment travaillez-vous ?
On partage à peu près les mêmes compétences. Même si on ne travaille pas systématiquement à deux sur tous les projets, on se concerte à toutes les étapes, et les choix se font toujours ensemble. De manière plus générale, on partage la même la vision, c’est à dire qu’on aborde notre métier avec l’attitude de designers répondant à une commande… Ce qui fait qu’on ne revendique pas un statut d’auteur ou d’artiste, on essaie de fuir la notion de style.
3. Comment vous êtes-vous rencontrés ?
En 2008. Alexandre avait créé My name is depuis un an et demi avec l’intention de ne pas rester seul longtemps. On a commencé à collaborer ponctuellement et on s’est vite aperçus qu’on partageait justement cette vision de notre métier, qu’on avait envie des mêmes projets et surtout de diversité : travailler à la fois sur des objets imprimés et des images animées, des pochettes de disques ou des livres d’art, c’est un vrai truc stimulant au quotidien.
4.« Je est un autre » selon Rimbaud. Que mettez-vous de cet autre dans vos créations ?
L’autre « je », c’est notre client, notre commanditaire… c’est lui le porteur du message. Nous, on lui donne les moyens de le transmettre à son public. Chaque projet a son contexte et doit avoir ses propres codes. Le fil conducteur qu’on pourrait trouver, c’est une dimension minimaliste… On essaie de simplifier au maximum une idée pour la rendre plus forte. Plus une image est simple, plus elle est identifiable et puissante. Parfois, nous résumons un concept à une seule couleur forte, une seule typographie très présente, un principe visuel évident.
5. Votre duo favori ?
On en a dix qui viennent à l’esprit… allez : The White Stripes, Beach House, les Bouroullec, les Bescher, Minus et Cortex, le lièvre et la tortue…
6. Votre deuxième œuvre d’art préférée ?
Les Skyspaces de l’Américain James Turrell [série installation d’espaces intérieurs ouverts sur le ciel commencée dans les années 70]. Une claque : ce retour à l’essentiel, leur évolution permanente et la poésie qui en émane. Et aussi les peintures d’Ed Ruscha et Gerhard Richter pour leur relation à la photo et à la réalité.
7. Votre deuxième passion ?
La musique, parce que c’est ce qu’il y a de plus complémentaire avec l’image, les deux se nourrissent… on travaille beaucoup dans ce domaine… on en écoute toute la journée. Pendant l’élaboration de Standard, on a écouté, en vrac : Jack white, Madvillain, David Bowie, Eels, Nas, Warpaint, Darkside, Autre ne veut, Radiohead, Damon Albarn…
8. Vous êtes amis dans la vie ?
Oui, évidemment. Même si nous nous voyons peu en dehors du boulot.
WORK IN PROGRESS
Une maquette standard
« À part son très standard format A4, nous n’avons conservé aucune caracté-ristique des précédents numéros du magazine. Nous avons commencé par standardiser la mise en forme générale, c’est-à-dire à construire une grille forte et très présente qui structure l’ensemble. Le thème « deux » transparaît à travers les deux colonnes de texte, des mises en page en miroir, des dialogues noir/blanc… Toutes les images (sauf les œuvres, non recadrées) sont présentées dans un format DIN, c’est-à-dire les basiques A4, A5, A6… Pour les titres et le logo, nous avons dessiné une police de caractères inspirée de celles qu’Ed Ruscha utilise sur ses peintures de paysages, à côté de ses photos d’archivages de la culture populaire américaine, et que l’on trouve aux États-Unis pour les enseignes, les équipes de foot… Avec un petit clin d’œil à sa série de peintures à l’huile sur les stations-service Standard Oil. »