Mustang : concert ce soir & demain
Deux concerts – ce soir à Paris (à la Gaité Lyrique) et demain à Clermont-Ferrand (à la Coopérative de Mai) – et la sortie cette semaine de leur nouvel album Tabou (Sony), c’est l’occasion de relire ci-dessous l’interview du groupe paru dans Standard n°25.
Les trois wockers posent pour une série de mode dans Standard actuellement en kiosques.
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Venus « d’une ville solitaire où les cœurs brisés savent tout », Mustang, trio clermontois d’à peine 22 ans, a écrit cet été notre tube, Le Pantalon, bijou de nonchalance poli par un beau crooner décontracté. L’impeccable album A71 est sur les rails.
D’où sort ce son diablement rétro ?
Jean Felzine [chant, guitare] : De notre envie de ne pas répéter les trucs affreux qui marchent à la radio. On déteste muse, les têtes raides [grimace]. C’est pour ça qu’on insiste sur le côté fifties, sur ces chansons formidables de deux minutes. Elvis, ses premiers disques sont fascinants – sur les Sun Sessions on dirait un fantôme qui chante. J’adore aussi Roy Orbison. Et Cochran. Buddy Holly. Les pionniers sont toujours plus intéressants, même s’il y a des suiveurs de génie. C’est un plaisir d’historien, mais dans l’Histoire en marche.
Johan Gentile [basse] : Comme tous les kids, on a commencé par Nirvana, qui était influencé par les Stooges, qui écoutaient ces rockers-là, qui eux écoutaient de la country. On a remonté l’arbre généalogique.
Jean : C’est une très belle école. Nous ne faisons pas des pastiches, mais comme on a appris avec ces structures old school, douze mesures, slow-rock, c’est sorti naturellement. Comme si la musique ne s’était pas arrêtée.
Johan : Précision, on ne fait pas du rockabilly. On adore, mais si on s’en réclamait, on se ferait défoncer par les vrais.
Chanter en français, c’est naturel aussi ?
Jean : On ne parle pas très bien anglais. il y a toujours une certaine imposture à chanter en anglais. Nous on est français, on s’adresse à la France. On aime la variété des années 60 : Polnareff, Joe Dassin – un peu sous estimé, d’ailleurs. sur sa dernière tournée, on a ouvert pour Bashung qui, comme tous ces mecs, Christophe, Johnny, même Eddy Mitchell et Dick Rivers, ont connu le rock en direct. Dutronc aussi. Les Chats sauvages et les Chaussettes noires n’ont marché que deux ans mais sont importants en tant que groupes – même si on ne les écoute pas trop.
Elle est difficile à faire swinguer, cette langue ?
Jean : Les paroles de gainsbourg me passionnent moins que ses mélodies ; les jeux de mots, ça va cinq minutes et c’est facile à singer, regarde Biolay – même s’il y a aussi, bien sûr, L’Eau à la bouche ou La Chanson de Prévert. C’est dommage d’avoir perdu le principe des adaptations françaises de chansons américaines. J’aime les crooners, qui chantent avec un minimum de mots, c’est pratique, mais faut les choisir avec soin. Faut se méfier du texte seul. Baudelaire chanté, c’est chiant.
Comme le rock des années 90, Noir Désir en tête ?
Jean : C’est bien de balayer ça. D’abord, il n’y a pas d’esthétique, les mecs ne ressemblent à rien et se prenaient un peu trop pour des poètes, ce n’est plus du rock’n’roll et même pas de la pop. Pour notre morceau Je m’emmerde, c’est 1969 des Stooges. Pour nous, Iggy Pop est un auteur. C’est presque un travail de traduction en parlant de la vie quotidienne. Nos chansons sont vraiment premier degré. Les trucs pleins de bons sentiments genre « la guerre c’est pas bien », même en plus subtil, c’est toujours lourdingue. Dire « bébé, tu me fais bander », je trouve ça moins tarte.
Et les bébés-rockers parisiens, Naast, Shades, BB Brunes ?
Jean : Notre premier concert, c’était en première partie des Naast. Ça jouait bien, du style. Je trouve déjà ça mieux que les protestataires, c’est frais. on leur a pas laissé le temps alors que tout le monde n’attend que ça : un vrai groupe de jeunes, du rock en trois minutes, comme en angleterre ou aux States. Et quand ça arrive, toute la presse se fout de leur gueule, alors qu’à 15 ans, on ne te demande pas d’écrire Sympathy for the Devil. En France, faut payer sa part d’héritage à Ferré, Brel. C’est bien, mais faut s’affranchir.
Et l’électronique ? Vous reprenez Donkey Rhubarb d’Aphex Twin !
Jean : Suicide fait le lien entre nous. C’est mon groupe préféré, qui connecte l’électro et les fifties. Les gars ne jouent pas en place, ce n’est pas mécanique, c’est vivant. On utilise des orgues Farfisa, de vieux synthés italiens pas très fiables, des boîtes à rythmes primitives et des accompagnements swing, cha-cha-cha.
Johan : On adore aussi Kraftwerk et les musiques de jeux vidéo, souvent des digests de tous les styles, mambo, twist. C’est bien pour apprendre.
Combien de disques pensez-vous enregistrer ?
Jean : Un maximum de chansons. Ce disque, c’est le dernier. C’est fini. On fera des maxis. Faut changer le rythme single/album/tournée et enregistrer tout le temps. Sinon les gens t’oublient. Les disquaires ferment, mais la chanson ne peut pas mourir. Notre disque va surprendre. On sera encore là dans deux ans, les prochaines chansons seront encore meilleures.
Et la banane, ça fait combien de temps ?
Jean : C’est un « pompadour » : la banane, c’est le truc qui retombe. Trois ans. Les mecs dans la rue me cassent un peu les couilles, ils sifflent en criant « Elviiiis » ou « Danny Brillant ». Si on m’appelle Elvis, je réponds : « Elvis, il est mort. »
Entretien Timothée Barrière & Richard Gaitet, photographie Blaise Arnold dans Standard n°25
Le disque
Route A71
Oui : l’autoroute qui relie clermont à Paris. ces chansons mambo, slow, surf ou rock, signés (sauf C’est fini, méconnaissable et rigolote reprise d’Aphex Twin) du bien peigné Jean Felzine ne sont pas nostalgiques. Lorsqu’il hoquète sur Je m’emmerde, hulule une sexy symphonie, jouit pour une mystérieuse Anne-Sophie, rentre sa chemise dans son ondulant Pantalon, imite Presley sur King of the jungle, Ma bébé me quitte et Dame de pique, et surtout ouate une déclaration d’amour à sa Maman chérie, pas de doute : ces jeunes gens sont modernes. R. G.
NOUVEL ALBUM : Mustang – Tabou (Sony) sortie le 24 octobre
Vinyle / CD / MP3 / iTunesMustang – A71 (Jive Epic Group)
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