Sportès : ici, tout, tout de suite
Bagneux, hiver 2006. Ilan Halimi, un jeune vendeur de téléphones, est kidnappé. Les ravisseurs sont persuadés que sa famille pourra payer. Vingt-quatre jours plus tard, on le retrouve mort près d’une voix ferrée.
Beaucoup d’encre a coulé, on a parlé de « gang de barbares », crié à l’antisémitisme. Morgan Sportès, lui, s’en tient aux faits, ayant eu accès aux pièces du dossier, rencontré des témoins, lu les SMS échangés entre les protagonistes. Le résultat : 500 pages saisissantes sur l’engrenage qui conduit au drame, mais aussi, et presque surtout, sur toutes les péripéties qui auront précédé « l’affaire » : petits rackets, enlèvements ratés, tâtonnements de pieds nickelés. Tout, tout de suite se lit comme un polar, mais Sportès prend bien soin nous rappeler régulièrement que tous les faits sont réels. Le tableau d’ensemble n’en est que plus glaçant, avec en creux une description minutieuse de ce mal contagieux qui, plus encore que le racisme ou la misère, gangrène la banlieue : celui de l’ignorance. Avec une candeur dans la violence qui nous rappelle L’Appât. Tiens ! Au fait : avant d’être un film de Tavernier (1995), c’était un livre… de Morgan Sportès.
par Bertrand Guillot
Morgan Sportès
Tout, tout de suite
Fayard
384 pages, 20,90 euros