Bras droit tatoué jusqu’à l’épaule, porte-cigarette et Dunhill légère : Maissiat fait le lien entre la Déclaration d’amour de France Gall et le Logic Coco de Mansfield.TYA. A Belleville en fin d’été, secoué de pluie et de soleil, elle nous a emportés au milieu des Tropiques, à l’heure des derniers réglages de ce premier album à paraître début janvier, qu’on vous promet saupoudré d’arsenic et de belles dentelles.
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Maissiat © Nolwenn Brod, stylisme, Edem Litadier-Dossou

Ces jours-ci, il paraît qu’avec ton groupe, vous recherchez quelque chose « d’à peine audible »… 
Maissiat : Oui, on peaufine un équilibre entre l’orchestration et la voix, l’intelligibilité du texte, la justesse des chœurs. Un son qu’on a voulu rassemblé autour des claviers et de la batterie, en repoussant les guitares.
C’est assez ironique pour l’Amandine Maissiat que l’on connaissait jusqu’ici : camarade de Mensch, ex-leader des très rock’n’roll Subways, plutôt guitar hero
Quand il a fallu référencer les titres sur iTunes, je me suis sentie prête à accepter que c’est aussi de la variété, mes Tropiques… Un retour à l’intime, l’enfantin. Tout vient d’un trésor chez moi, un petit tiroir rempli de cassettes audio. Charles Aznavour, Michel Berger… mes premiers émois musicaux. A l’époque de Quand j’serai K.O. d’Alain Souchon, je devais avoir 5 ans : j’étais transportée.
L’année suivante, en 1988, Charlotte Gainsbourg tournait La Petite Voleuse avec Claude Miller. Identification ?
J’ai un lien assez sentimental avec Charlotte. Plus jeune, on me comparait souvent à elle. Je ne sais pas si je le cherchais spécialement, mais c’est quelqu’un qui me touche, en tout cas… Son côté « presque jolie »… ses partis pris, en musique comme au cinéma, continuent de me surprendre.
Tu te dis « autant fascinée par Véronique Sanson que par Ian Curtis ». Pour fâcher les branchés ?
J’aimerais aider à ce que l’on puisse parler d’une certaine pop française sans rougir ou s’offusquer – Françoise Hardy, Michel Berger et France Gall ; j’arrête pas de penser à leur morceau Laissez passer les rêves… Aujourd’hui, c’est presque catalogué gay d’aimer cette culture. Comme avec le rock, il faut s’approprier les choses à sa façon, en faisant le tri. Si on me reproche d’être moins électrique, d’avoir pris un virage vieille France, je saurai l’encaisser.
Sous ses atours aventuriers, ton disque parle d’amour, de chagrin, de rupture, de disparition… Tristes Tropiques ?
En définitive, il s’agit surtout de l’humilité que l’amour nécessite. Pour moi, on est à poil quand on est amoureuse. Et quand on chante, c’est un peu pareil. Ce doit être une forme d’amour.
Dans tes chansons, on est parfois trois. Aussi… le triangle, ça t’excite ? 
Oui, sinon ce serait ennuyeux… L’état amoureux, c’est quand même le moment où on est le moins libre… mais ça donne de la force.
Dans ton romantisme échevelé, on a déserré les corsets mais on peine encore à renoncer au vouvoiement, étrangement…
Ça me plaît beaucoup de dire « vous ». Ça m’évoque une noblesse et une délicatesse dont nous sommes très loin aujourd’hui… Et puis c’est aussi une façon de prendre mes distances avec les personnages de mes chansons. Une façon inattendue d’être moi.

Live! Maissiat échauffe les lueurs de Dominique A
Ce soir à Poitiers
Le 20 à Grand-Quevilly
Le 24 à Toulouse
Le 7 février à Arras

 

Le disque : Variétés sur Marilou


En janvier dernier, un EP homonyme lancé en éclaireur nous avait plongés dans un univers épais, peuplé de trésors nappés d’aurore, de jaguars insoumis et d’iris tapissés de déesses. En vingt minutes, la galette laissait l’auditeur fièvreux, sous l’effet d’une fléchette attrape-cœur. On y sentait couler le désir de réaliser un projet en français, dans un texte qui sonnait dans le bon registre et ne niait en rien ce que « la » Maissiat était déjà : une fille à la fois gothique et lyrique, venue du rock des années 90. Ce premier album, que l’artiste va roder en tournée, permet d’élargir le répertoire, en dessinant à l’aquarelle une variété fantasmée qu’on peut enfin caresser sans trop se salir les mains, à la manière des premiers Keren Ann. La petite voix puissante impose sa minéralité et son caractère en s’affranchissant d’une orchestration pop complexe, parfois un peu trop étudiée. C’est notre seule réserve devant ce disque très réussi, à la fois accessible et touffu, fertile mais inexplicablement virginal. Oui, parfois, le grand frisson s’éclipse devant une fougue tenue en laisse, ou des gimmicks dubstep qu’on aurait rêvés plus affirmés (en s’associant par exemple avec Para One ?). Mais on chipote, vraiment… (Antoine Couder & Julien Taffoureau)

Maissiat : Tropiques  (Artisan Publishing / 3ème Bureau)
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