La dèche de l’Amérique de Joe Sacco
Dans la dèche en Amérique avec Joe Sacco
Lunettes rondes, sac à dos : OK, Joe Sacco est à Angoulême pour défendre ses Reportages réalisés pour The Guardian ou XXI. Comme dans Palestine (1996) ou Gorazde (2004), il décrit avec humanisme la situation d’immigrés africains indésirables, le procès d’un criminel de guerre serbe ou l’entraînement de soldats irakiens par l’armée US. Invité d’une conférence sur le journalisme en bande dessinée, Joe, 51 ans, s’est dit admiratif du George Orwell de Dans la dèche à Paris et à Londres (1932) et a montré une planche de son prochain album, Days of Destruction, Days of Revolt, coécrit avec Chris Hedges, ex du New York Times et Pulitzer 2002, à paraître en juin aux Etats-Unis. Révolté ? Il est comme ça, Sacco.
Cet album se déroule surtout à Camden, New Jersey, la ville la plus pauvre et la plus dangereuse des Etats-Unis, avec environ 35 % de chômeurs et 70 % d’échec scolaire ?
Joe Sacco : Il y a des endroits en Amérique où le capitalisme fait vraiment ce qu’il veut, où il l’a emporté sur le travailleur – s’il reste encore un travailleur quelque part. La quasi-totalité du livre se passe à notre époque – à Camden, effectivement, mais aussi en Californie, dans une réserve sioux du Dakota du Sud ou à New York –, sauf ce portrait d’un mineur de Virginie-Occidentale qui a commencé à travailler dans les années 30… Il est très vieux et se souvient avoir remonté du charbon du fond de la mine grâce à des ânes… Chris écrit le texte, je dessine les paysages.
Vous avez rencontré pour cela le mouvement Occupy Wall Street. Des frères en indignation ?
Je me sens très proche d’eux. Il fallait qu’il y ait un retour de bâton, qu’on entende ceux qui se plaignent de ce que fait – ou ne fait pas, plutôt – le gouvernement américain. Nos dirigeants ont longtemps eu les mains libres, mais ces jeunes gens intelligents et bordéliques ont mis le doigt sur notre problème principal : l’argent contrôle les hommes politiques, et les gens n’entendent plus de voix sincère et authentique pour les défendre. Les banques ont été remises à flot ? Personne n’a compris pourquoi, ce n’était même pas nécessaire. Si vous renflouez les banques, elles continuent de faire du profit, mais les contribuables, eux, ne sont pas renfloués. L’argent monte vers les plus hautes sphères de la société, et cet argent provient du peuple, à qui on a demandé de se serrer la ceinture. Ça ne peut pas marcher.
Quelle est la règle no 1 de votre journalisme ?
Donner une idée sur la manière dont les gens vivent, avec un peu d’empathie. Pour ce prochain album, ça se traduira par : comprendre comment les gens ont perdu leur boulot, et comment ils essaient de résister, à l’échelle de l’individu.
Days of Destruction, Days of Revolt (Nation Books)
Reportages (Futuropolis)