interview Jupiter congo guillaume Jan standard magazine culture et mode

© Guillaume Jan

Jupiter Bokondji est un prophète, même en son pays – seulement, les moyens de communication sont si défectueux en République démocratique du Congo que son groupe Okwess International a du mal à s’y faire entendre. Qu’à cela ne tienne, ce sorcier du son débarque en Europe avec un disque, mêlant des grooves nerveux et énergiques aux musiques traditionnelles de la forêt. Hôtel Univers, premier album officiel, fait jaillir onze morceaux fiévreux d’une soul ethno-futuriste portée par les mélodies de cette contrée mystique et mystérieuse. « On compte quatre cent cinquante ethnies au Congo, explique le chanteur dans la petite cour où il répète avec Okwess, au fond d’une ruelle de boue et de poussière. Chacune a son style, tu imagines notre richesse sonore ? Or, elle reste inexploitée, jusqu’à présent. » C’est la mission qu’il s’est donnée : revivifier ce trésor national, étouffé par les stars bling-bling à la mode et le manque d’argent. Repéré par Damon Albarn (Blur, Gorillaz), Jupiter a participé à l’album humanitaire DRC Music (Warp), sorti en octobre dernier, qui mêle pop électronique et rythmes tribaux. « J’essaie de changer les mentalités », dit ce griot charismatique en allumant sa cinquième cigarette.

Frêle géant
Jupiter a grandi à Berlin. Rentré à Kinshasa en 1980, à 17 ans, il se passionne pour la musique au désespoir de son père, attaché d’ambassade, vit deux ans dans les rues et fonde plusieurs groupes, toujours dans l’ombre. En 2004, il guide Renaud Barret et Florent de la Tullaye, deux Français venus tourner un documentaire sur la musique de Kinshasa qui s’appellera La Danse de Jupiter*. Dans le film, sa silhouette de frêle géant déambule dans cette ville ténébreuse à la rencontre d’artistes ignorés mais talentueux – « les petits Jupiter », comme il les appelle. « Aujourd’hui, plusieurs jeunes groupes se mettent à faire de la musique de recherche, comme moi, en puisant dans nos ressources historiques. Ma mission de transmission est accomplie. J’ai 48 ans. Même si je devais disparaître aujourd’hui, j’aurais atteint mon objectif. » Heureusement, la rotation de Jupiter ne fait que commencer.

* C’est au cours de ce tournage que Renaud Barret et Florent de la Tullaye découvrent le Staff Benda Bilili, devenus des stars internationales grâce au film homonyme qu’ils leur consacrent en 2010.


JUPITER’S DANCE par belleKinoise

Par Guillaume Jan (à Kinshasa)

Jupiter jouera avec son groupe Okwess International à Stains le samedi 24 mars, dans le cadre du festival Banlieues Bleues.


Hôtel Univers
La Belle Kinoise