A la Fashion Week de São Paulo, João Pimenta styliste attire l’attention sans caïpi’ ni bikini sulfureux.

La mode brésilienne est isolée par des taxes d’exportation très élevées. Difficile d’être compétitif à l’international ?
João Pimenta : Ce n’est pas facile effectivement. Cette année, plusieurs créateurs ont fait appel à notre présidente Dilma Youssef. Espérons que cela fasse changer les choses. Mais nous sommes habitués… Surtout moi qui ai baigné dans la mode. Je suis né à São Sebastião do Paraíso, dans le département du Minas Gerais, au sud-est du pays, connu pour son importante activité dans l’industrie textile. Je suis venu à São Paulo en 1985 pour travailler chez divers créateurs de la Rua São Caetano, surnommée « la rue des mariées », puisqu’on y vendait des robes pour ce jour J. J’ai ouvert mon atelier en 1990 et j’ai commencé à confectionner des vêtements « individualistes », c’est-à-dire s’éloignant du costume de mariage avant de changer de registre et de m’installer à Pinheiros [le quartier chic, au plein centre de la ville], où j’ai lancé une marque en 2008 et une boutique.
Entre ses nouveaux milliardaires et vieilles favelas, le Brésil fait montre d’une schizophrénie sociale d’envergure. La mode peut-elle contribuer au changement ?
J’ai toujours eu l’envie de m’exprimer autant sur un plan créatif que social. La mode, plateforme d’expression qui a un impact industriel, est un outil adapté pour cela : elle couvre la lacune entre l’art et le commerce. Ma famille ne roulait pas sur l’or, donc les stéréotypes, je connais, mais c’est justement sur mes origines que je mise. Je joue avec des contrastes apparents comme le streetwear et le tailoring, ou bien le masculin et le féminin.
Comment ça s’illustre pour l’été prochain ?
Je me suis inspiré des festivités religieuses que je suivais enfant. L’opulence et le kitsch de ma nouvelle collection puisent dans la fête de l’Epiphanie, des traditionnelles congadas liées à la culture afro-américaine. J’essaie d’incorporer un peu d’histoire. J’ai abordé l’ancien régime [la dictature militaire, 1964-1985] à travers les coupes d’uniformes militaires.
Pourquoi avoir choisi de faire de l’homme ?
A cause d’un manque de choix dans le vêtement masculin dans ce pays. J’aimais les coupes androgynes et les références culturelles : mieux valait créer mes propres habits ! Je suis tombé amoureux du tissage fait main et suis allé à la rencontre de divers petits artisans dans le Minas Gerais pour en savoir plus. Ce sont eux qui ont produit mes vestes, pulls et shorts.
Qu’est-ce que cet artisanat local apporte au prêt-à-porter ?
C’est un processus difficile d’un point de vue commercial, mais le retour à ce savoir-faire est non seulement favorable à l’environnement, mais aussi une nécessité pour préserver l’identité culturelle du pays. Le penchant du Brésil vers le développement durable nous réussit ! Le mariage aussi ! J’y reviens. Depuis le mois d’août, j’ai décidé d’investir dans le costume sur mesure très pointu en travaillant principalement avec des fibres naturelles. Pour le meilleur et pour le pire.

Joao Pimenta standard © Namidia

© Namidia

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