Avec Le Peintre d’éventail, Hubbert Haddad ventile une écriture au luxe du temps.
Une écriture n’est pas contemplative, elle a le luxe du temps qui s’écoule en années, la volupté.
C’est une pension hors du monde et un jardin hors du temps dans la contrée d’Atôra, sur l’île de Honshu (Japon). Arrivé de Kobé pour se fuir lui-même, Matabei Reien est adopté par la maîtresse des lieux et le vieux jardinier, qui l’initie à l’art du haïku et de la peinture sur éventail. Mais les génies sont mortels et Matabei comprend « que les vrais maîtres vivent et meurent ignorés et qu’on ne peut espérer plus belle équité en ce monde ». Il poursuit son œuvre zen, qu’il tente de transmettre au jeune Hi-Han, lequel semble plus attiré par une mystérieuse nouvelle pensionnaire.
Entre pavillons de thé et ruisselets d’eau vive, Hubert Haddad peint cette pension avec la grâce précise des estampes. Son écriture n’est pas contemplative : elle a le luxe du temps qui s’écoule en années, la volupté « d’un sein nu par-dessus la bretelle d’une tunique indienne… », et ce calme trompeur qui précède le tsunami. Celui-ci sourd d’abord entre Matabei et son disciple jaloux. Puis la terre se met à trembler et la vague d’Hokusai menace. Alors le récit se tend, la prose devient fébrile et le roman d’initiation se mue en tragédie, résonant avec l’actualité, soulignant par contraste la beauté de ce monde éphémère que l’homme s’évertue à magnifier entre deux catastrophes.
Hubert Haddad
Le Peintre d’éventail
Zulma
192 pages, 17 euros