La folie hilarante du comédien Guillaume Gallienne, exposée au Grand Journal dans ses faux-bonus DVD, se décline en tournée, au ciné et à la radio. Au théâtre, sa pièce doit beaucoup à sa mère qui aimait dîner en famille : « Les garçons et Guillaumeà table ! »  Merci Madame ?

Guillaume Gallienne

A la cantine des studios de Canal + où se tournent les Bonus, Guillaume est grimé en Judith Mathieu, une actrice « conne, hyper affectée, hystéro ». Il/elle avale une salade de lentilles en ouvrant des yeux ronds.

Il paraît que vous n’aimez pas que les journalistes vous voient en femme ?
Guillaume Gallienne : Il y a un quart de femmes dans mes Bonus et vous vous souvenez que de ça ! Comme si c’était plus piquant alors que tout rôle est un déguisement. Et en même temps, aucun ne l’est vraiment. Pour le jeu d’acteur, ça n’a rien de si dingue d’être en femme.

C’est à cause de Gabrielle Chateckele, la directrice de casting récurrente !
Cette année, il y en a un nouveau, un chef op’ toujours dépassé. Il n’en peut plus, il dit des trucs comme [prend une voix haute] : « Si je mérite un César ? Mais enfin monsieur, ça fait vingt ans que je travaille pour Claude Chabrol ! J’suis devenu addict au gésier ! J’ai pris vingt-deux kilos. Bon allez, à table ! J’en peux plus, j’en peux plus… ».

Ce sont vos études d’Histoire qui vous ont donné le goût des personnages ?
Pas tellement. Je ne voulais pas être historien, mais journaliste. Je suis curieux, j’adore enquêter, j’aime la politique. Mais quand ma cousine est morte, à 19 ans, deux ans de plus que moi, j’ai dit : « Ah non non non,attendez, si je peux mourir du jour au lendemain, moi, réellement, ce que je veux faire, c’est comédien ! ».
Vous précisez « de la Comédie Française » à chaque apparition. C’est obligatoire ?
Oui, par contrat de sociétaire mon image et mon nom lui appartient. La fierté qu’en tire Michel Denisot est touchante. Ça me plaît cette reconnaissance, pas de moi, mais de la qualité que véhicule cette troupe.

Guillaume Gallienne : « Quoique, mes parents sont drôles. »

C’est quand même pas là qu’on vous a transmis le sens de l’humour ?
Ah ben non ! Mais Robert Hirsch et Jacques Charon faisaient déjà des sketchs à la télé, avec Jacqueline Maillant pendant « l’âge d’or de la Comédie Française »[les années 50-60]. Il y a une belle transmission au Français, mais je ne pense pas que le sens de l’humour puisse être transmis par qui que ce soit. Quoique, mes parents sont drôles.

Votre maman surtout, dont la phrase « les garçons et Guillaume, à table ! » devient le titre de votre pièce.
Cette histoire, je voulais la raconter depuis longtemps : quand ma mère m’appelait pour dîner, je comprenais que pour être aimé par elle, il ne fallait pas que je sois un garçon. Pour elle, j’étais « son fils qui n’assumait pas son homosexualité ». Alors j’ai tout fait parfaitement : je suis tombé amoureux de Jérémy. Quand je lui ai avoué qu’il ne m’aimait pas, elle m’a répondu que ce n’était pas grave, qu’il y en avait plein qui vivaient heureux.

C’est votre mère qui vous a fait découvrir votre homosexualité ?
Elle aurait voulu mais que je ne l’étais pas ! Alors j’ai fait un coming out. Mais à l’envers : j’ai dû annoncer à mes parents que j’étais hétéro. Cette histoire m’a permis d’assumer mon côté féminin qui n’est pas pour déplaire à certaines femmes.

Ils l’ont accepté facilement ?
Ils étaient sous le choc, surtout à mon mariage. Voilà. Et moi, à force d’avoir imité ma mère à la perfection, j’ai sa voix. Pour faire du théâtre, j’ai dû travailler avec un phoniatre [médecin des troubles de la voix] pendant quatre ans à faire des « Oui oui oui oui ! Non non non non ! Eh oh ! Eh là-bas ! » pour accéder à ma tessiture normale qui est bariton.

Comment travaillez-vous pour les Bonus ?
J’écris avec ma grande copine Frédérique Moreau – qui a créé le Journal du Cinéma avec Nicolas Boukhrief sur Canal +. C’est une écriture à quatre mains, enfin à deux, pardon. Je suis en train de tourner quarante sketchs en une semaine, d’habitude c’est deux ou trois par jour. Ce rythme, c’est à cause de ma tournée et de mon émission sur France Inter** – la première c’était « Les pages qui me font rire dans A la Recherche du temps perdu. »

Vos humoristes préférés, à part Marcel Proust ?
Sacha Baron Cohen, Ab Fab, Rowan Atkinson mais pas dans Mister Bean, les Monty Python.

Vous avez un don pour les accents : chinois, américain, yiddish, espagnol…
J’ai une bonne oreille et j’étais en pension en Angleterre pendant trois ans. J’élève mon fils en anglais, tout comme je le parlais avec mon petit frère – mes parents l’avaient décidé. Pourtant ma mère est une Russe née à Madrid. Je parle espagnol aussi.

En général, les vrais bonus DVD, vous les trouvez comment ?
J’en déplore la qualité. C’est souvent réalisé par le neveu du producteur et méprisé, on leur donne une importance commerciale, mais pas artistique. En plus je ne suis pas fan du côté « on voit les coulisses où tout le monde a l’air gentil », il faut arrêter de prendre les gens pour des cons.

C’est quoi les bonus des Bonus ?
Il y a les ratés, et ceux que je n’ai pas osé faire pour Canal. Par exemple, pour Englishman in New York [de Richard Laxton], je voulais enculer une dinde cuite en vieil Anglais furieux, et la fister. Dit comme ça c’est très cru, mais je ne suis pas vulgaire ; je ne sais pas l’être. Et il y a sans doute des rôles que je n’aurai jamais à cause de ça.

 Standard n°25 – décembre 2009