Glenn Martens : « L’esthétique des maîtres flamands coule dans mes veines »
Après un passage chez Gaultier, la nouvelle étoile belge du PAP invente le minimalisme Marie-Antoinette.
Tu as été diplômé de la Royal Academy of Fine Arts d’Anvers en 2008, l’approche excentrique et conceptuelle de cette école a-t-elle déteint sur tes collections ?
Glenn Martens : L’Académie forme des créateurs indépendants, on est obligé de trouver notre propre chemin, notre style. C’est une formation très efficace. Il a toujours été question de mode expérimentale, non commerciale. On pouvait se déchaîner ! Mais je veux qu’une femme puisse vraiment porter mes pièces, c’est pour cela qu’elles ont un aspect très confortable et quelque peu sportif, même si leur inspiration peut sembler inhabituellement lourde.
Lourde comme l’histoire des rois de France ? J’ai entendu dire que tu es fan de Marie-Antoinette…
Oui. Tout a commencé avec ma première collection printemps-été 2012 qui avait pour inspiration les martyrs. Celle de l’été prochain [défilé du 30 septembre dernier] était présentée dans la chapelle expiatoire de Marie-Antoinette et Louis XVI, pour un prix presque démocratique. J’ai été obsédé par cette période, et cet endroit m’est quasiment tombé dessus ! C’est l’endroit où ils ont été enterrés après leur exécution, un lieu de commémoration qui célèbre leur vie et leur souvenir plus que leur mort. Ce n’est pas macabre, au contraire, on peut trouver la beauté partout. L’ambiance était très sereine, presque un peu spectrale.
Tu mises sur une esthétique minimaliste et très portable. Comment travailles-tu ?
Mon idée de départ était Bruges, en Belgique. La dramaturgie de ses environs gothiques et l’esthétique des maîtres flamands coulent dans mes veines puisque j’ai grandi là-bas. J’aime fusionner cette inspiration médiévale avec l’image contemporaine. Ça se voit dans le choix et le traitement des matières : les moirés poussiéreux se transforment en blousons bombers à surface scintillante, les robes bustiers, délicatement plissées à la main, sont fabriquées à partir de nylon et de soie. En ce qui concerne la deuxième, printemps-été 2013, mon équipe et moi avons essayé de détourner les matières, en prenant du velours côtelé bleuté et vert, couleur des fonds marins, pour des silhouettes aux allures sportswear années 90, tout en restant dans la féminité. Nous avons également collaboré avec le photographe anglais Toby de Silva. Sa série Immortals montre des reliques de martyrs romains, des squelettes brodés d’or, de diamants, de saphirs : des panoplies de luxe restées intactes, comme des offrandes éternelles. Des têtes de mort couronnées à jamais, Marie-Antoinette décapitée…
Glenn Martens : « L’esthétique des maîtres flamands coule dans mes veines »
Comment évolue ton style, maintenant qu’à 29 ans tes premiers pas sont derrière toi ?
Même si les silhouettes restent épurées, mon style se renforce graphiquement : les plis de construction sur les jupes, opulents sur les robes… En ce moment, je travaille sur des imprimés digitaux qui sont inspirés par ces plis et drapés, mais de manière plus subtile et abstraite. Chaque saison, c’est une folie ! Il faut être créateur avant tout, mais aussi manager, vendeur, attaché de presse, comptable… je suis très redevable à mes assistants d’atelier et mon cercle d’amis proches, qui m’aident au jour le jour. Ils me font une offrande.
Collection automne hiver 2013 2014 :