Interview de Florian Kaps : le sauveur du film instantané
Florian Kaps, l’initiateur de la reprise de la dernière usine Polaroid, à Enschede, destine ses efforts à une clientèle de créatifs. Cela ne l’empêche pas d’espérer des millions de ventes.
Comment saviez-vous que vous auriez une clientèle pour ces « vieux » films ?
Florian Kaps : Ça faisait trois ans que je vendais leurs produits sur mon site [devenu aujourd’hui polaroid.com]. Je savais qu’il y avait une énorme communauté de fans [à voir sur polanoid.net]. J’avais déjà un réseau, à qui je vendais environ 10 000 packs de films par an, et 50 000 adresses email de gens qui nous suppliaient de ne pas stopper la vente. Et cela n’est rien à côté des 25 millions de paquets que vendait Polaroid les dernières années. En fait, le manque de clients n’était pas le problème.
La difficulté, c’était que vous n’avez pas pu racheter les brevets américains ?
Non, parce qu’ils datent de 1937 ou des années 70. Ils ont expiré. Nous avions les machines, les bons salariés, les clients et un réseau de supporters. Ce qu’il nous fallait, c’était une avance d’argent.
Vingt euros les huit films : allez-vous pouvoir un jour baisser vos prix ?
C’est cher, car toutes nos productions demandent de nouvelles recherches. Pour l’instant, on se concentre sur l’augmentation de la qualité des films, car avec elle, les ventes suivront, et nos coûts, comme les prix, baisseront. Mais nous comptons rester dans l’argentique et, dans un mode numérique, nous ne dépasserons pas le marché de niche. Nous pourrons probablement rendre l’achat plus abordable, mais jamais aux prix du mass market. Cette année, nous avons vendu 800 000 paquets. Notre but est d’atteindre un jour 5 millions (à la bonne époque, c’était 100 millions !).
Florian Kaps : « Quand tout le monde court dans une direction, ça crée un marché de niche dans l’autre. »
Cela fait plusieurs mois qu’est annoncée la sortie d’un appareil…
Il y aura plusieurs nouveautés l’année prochaine, mais je ne peux rien dévoiler avant notre présentation au salon Photokina en septembre. Nous misons notamment sur un concept d’adaptation au matériel d’aujourd’hui, en partie produit à Enschede avec des partenaires spécialisés.
Vous êtes toujours en négociation avec les détenteurs de la marque ?
Oui, j’y pense constamment. Un dénouement se profile… c’est une société d’exploitation de licences qui l’a rachetée. Si vous voulez faire des sous-vêtements Polaroid, allez les voir. C’est ce que font les créateurs d’applications smartphone.
Vous craignez le succès de l’impression instantanée numérique ?
Non, c’est un marché éloigné du nôtre. Et c’est une bonne chose, cela démontre une demande en tirages instantanés. De toute façon, ils nous ont déjà remplacés, nous ne cherchons pas à gagner du terrain, à entrer en compétition, mais à proposer autre chose : nous ne faisons pas de l’impression mais du développement. C’est le même rapport qu’entre les vinyles et les mp3.
Que dites-vous aux vingtenaires qui ne connaissent pas Polaroid ?
Plein de choses, parce qu’ils sont bien plus ouverts et curieux face à notre nouveau matériel. La moyenne d’âge des consommateurs est de 24 ans. En trois ans, on a basculé des demandes de l’habitué nostalgique aux jeunes, qui eux, ne comparent pas, et ça, c’est super.