Derrière ses drums, Fiodor Dreams Dog bat la mesure mais n’est pas du genre à battre le tambour. La preuve sous une batterie de questions dans un café bath de la capitale.

Tatiana Mladenovitch n’est pas une enfant prodige : « J’ai été totalement hermétique à la musique jusqu’à 17 ans. Je n’y connaissais rien et je ne prenais rien au sérieux. Heureusement, au lycée, un ami hyper calé en jazz et en rock des années 60 a fait mon éducation musicale. » En discutant dans la cour, ce pote aura initié une funambule électrique méchamment douée qui se fera appeler Fiodor Dream Dog. C’est donc sur le tard qu’elle se forme à la batterie. Autodidacte, elle rejoint le groupe parisien The Aikiu, dont elle n’aura pas à assumer le leadership : « Il m’a fallu du temps pour trouver le courage de chanter en public. J’ai eu suffisamment confiance en moi lorsque j’ai trouvé les bons musiciens pour m’accompagner. » Parmi eux, Bertrand Belin (auteur, compositeur et romancier, grand prix du disque de l’Académie Charles-Cros en 2010 pour Hypernuit) offre ses services à la production. Sa musique ignore tout des retouches chochottes. L’authenticité est une question de vie ou de mort, pas une pose : « Je voulais faire un disque qui touche simplement les gens. C’est un mélange de petites histoires avec du rock, de la pop, des relents free-jazz, de l’humour et plein d’images. Je suis peut-être en décalage, mais je fais mon truc, rien d’autre. »

« Ma mère est yougoslave, j’aime les rythmes et les harmonies déstructurés qui jouent aux montagnes russes. » Fiodor Dream Dog

C’est d’ailleurs dans une indifférence qui en aurait découragé plus d’un que Fiodor a sorti un EP et trois albums bricolés maison. « J’ai enchaîné les boulots à la con pendant dix ans, comme vendre des produits surgelés par téléphone… » Enregistré en cinq jours avec ses comparses de longue date, Bertrand Belin et le guitariste de jazz Thibault Frisoni, dans un moulin du 16e siècle transformé depuis en studio, Best est une boîte à jouets lo-fi emballée dans un paquet qui brille. Il se lance sur une électro psychédélique avant de lâcher quelques torpilles rock, façon Blonde Redhead. Puis il y a des morceaux inspirés par le jazz et le folklore de l’Europe de l’Est. Partout, plein d’arrangements atypiques et saltimbanques. Un breuvage musical, fait de petits bouts de tout, à la fois désordonnés et harmonieux, à juste dose, élevés par une voix nonchalante. « Ma mère, yougoslave, écoutait des chansons de son pays. J’ai un attrait pour les rythmes complexes et les harmonies déstructurées qui jouent aux montagnes russes. » Interview de cette batteuse imbattable.

Fiodor Dream Dog © Frankie & Nikki

« Redonner confiance aux gens ne seraient pas un combat inutile. » Fiodor Dream Dog

De battre ton cœur s’arrête-t-il pour de la musique ?
Fiodor Dream Dog : Oui, en écoutant Robert Wyatt. Il me sidère par sa liberté de créer et sa propension à emprunter des chemins inconnus.

Ton meilleur souvenir dans un concert qui bat son plein ?
En 2007, un spectacle improvisé avec des danseurs. J’ai commencé seule sur scène. Les danseurs m’ont rejointe au bout de dix minutes. On a joué d’une traite. Un peu avant la fin de la représentation, j’ai posé mes baguettes, je me suis levée, et j’ai couru sur un grand plateau pour sauter très haut et le chorégraphe m’a rattrapé au vol. C’était si intense qu’on a pleuré.

Quels sont tes endroits préférés pour battre la semelle ?
N’importe quelle ville anglaise me comble instantanément. Je retourne bientôt en Angleterre pour travailler sur le prochain album de mon ami Bertrand [Belin].

À quoi tu penses quand tu bats la campagne ?
Je pense à la mort des êtres chers, au principe du retour au foyer, au Moyen-Âge, je pense au bruit de la neige vierge quand je marche.

Est-ce que tu bats souvent ta coulpe ?
Je ne regrette jamais rien. Je fonctionne toujours à l’instinct et à l’envie.

Pour quelle cause pourrais-tu te battre ?
Malgré tout ce qu’on peut voir à la télé ou lire dans la presse, la France reste à mon sens le meilleur pays où vivre en ce moment. Mais davantage de justice et surtout redonner confiance aux gens ne seraient pas des combats inutiles.

Quel fer faut-il toujours battre pendant qu’il est chaud ?
Le désir. Il faut se mettre une bonne raclée pour faire les choses qu’on aime, sinon on meurt… C’est un peu SM comme phrase, non ? [rires]

Ça aide à battre le briquet (draguer) d’être musicienne ?
Oui de toute évidence, mais c’est un pouvoir que je n’utilise pas. Dès lors qu’un artiste monte sur une scène, il crée chez certaines personnes un vide affectif très dérangeant. La fan attitude est un comportement unilatéral qui n’a rien à voir ni avec la musique ni avec le moment partagé en concert.

Ta plus grosse gaffe de « drum & drumber » ?
Il y a quelques années, ma petite amie de l’époque m’avait prêté la voiture de ses parents. J’ai eu la bonne idée de la massacrer. J’ai dû payer les réparations en urgence pour qu’ils ne s’aperçoivent de rien. J’ai mangé des pâtes au beurre pendant six mois.

Par Fanny Menceur Photographie Frankie & Nikki

Best
(La Gosse Productions)

Live! Les secousses d’un chien qui rêve s’écouteront le 13 novembre au 104, à Paris, dans une création spéciale avec son groupe The Shiners.