Dans les coulisses du festival Villette Sonique, on a taquiné dix minutes Dizzee Rascal, 22 ans, qui s’offre cet été un duo très return of the mack avec Calvin Harris via le single Dance wiv me. Vainqueur : la teigne de Londres, par KO. 

A l’arrière de la pochette de son troisième et dernier album Maths+English (2007), le jeune prodige du rap anglais, de dos, lève haut le majeur – garçon pas commode, quoi. Refusez les interviews les soirs de concert, c’est toujours un échec. A l’heure prévue, juste après les balances, Dizzee Rascal, le vaurien qui te donne le tournis, décale l’entretien pour aller s’acheter des lunettes de soleil. Paddy, son manager, suggère un créneau entre le dîner et le live. « Diz » se pointe une heure en retard, l’air enfumé. Paddy, stressé, nous presse à l’intérieur de la loge. Les basses du groupe Clipse, sur scène, font déjà trembler les murs.

Que signifie pour vous la notion d’exotisme ?
Dizzee Rascal : L’exorcisme ? [A son manager] « C’est lui le mec avec qui ça doit durer vingt minutes ? » Ah, l’exotisme. La musique caribéenne, ou hawaienne, je suppose. Quel rapport avec moi ?

En tant que producteur, êtes-vous tenté de suivre l’exemple de vos confrères Switch et Diplo, cherchant de nouveaux sons au Brésil et en Jamaïque ?
Tous les grands producteurs font ça : Timbaland ou RZA, avec toute cette vieille musique chinoise – ou japonaise ? – m’ont réellement influencé. C’est très positif : ça permet aux gens d’apprendre ce qui s’écoute dans le monde. Moi, je ne voyage que pour les vacances, pas spécifiquement pour travailler, tout en restant attentif : si un morceau reggae dans un club me fait danser, ça peut me donner envie d’inclure un élément reggae dans une chanson. Mais ça n’influence pas pour autant ma musique, dude. Je ne vais pas passer mon temps autour du monde à rechercher de nouveaux genres musicaux.

Cette génération de musiciens, vous, Diplo, Switch…
Pourquoi tu me parles encore d’eux ?

Parce que vous êtes des jeunes producteurs de musique d’avant-garde !
Exact. C’est quoi la question déjà ?

…a-t-elle pour mission de faire tomber les barrières entre les genres ? 
Avec mes trois albums, Boy in da Corner [2003], Showtime [2004] et Maths+English, j’ai toujours essayé de faire des choses différentes, avec des cultures et des sons de toutes sortes. Et je t’ai déjà dit que Timbaland et RZA faisaient ça bien avant moi.

Dizzee Rascal : « Je n’ai jamais cassé le nez de personne. »

Est-il trop tôt pour parler d’un nouvel album ? 
Oui. Mais j’ai entièrement supervisé l’album de Newham Generals, sur mon label Dirtee Stank, mec.

Les questions suivantes sont de Juliette Lewis, l’actrice de Tueurs-Nés, lors de sa recontre avec Chuck Palahniuk, l’auteur de Fight Club
Pourquoi ?

Euh… parce qu’elles sont drôles ?
Enchaîne, mec.

Quelle était votre expression favorite quand vous étiez ado ?
Je ne sais pas : va te faire enculer ? [Sa petite amie, dans le coin, ricane]

Avez-vous déjà cassé le nez d’un type – ou poignardé quelqu’un, intentionnellement ?
Je n’ai jamais cassé le nez de personne, non. Pose-moi des questions sérieuses, maintenant.

Euh… comment expliques-tu que Mozart ait écrit des symphonies à 7 ans ?
C’était un génie, apparemment entouré de poètes. Un don – que j’ai peut-être. Je crois en une seule énergie qui nous connecte tous. Comme la Force dans Star Wars ; exactement, man. »

Ambiance glaciale, Dizzee semble atterré. Vingt minutes plus tard, face à une centaine de spectateurs bondissants, Dylan Mills prouvera à nouveau, en moins d’une heure, qu’il possède très sérieusement le meilleur flow d’Europe, et pas seulement pour des raisons de vitesse ou de venin ; plutôt pour sa science du placement de voix, nasillarde à souhait, guillotinant l’accent londonien. Tout aussi sidérant, le dee-jay, à l’arrière-plan, le bras droit mort, mixe avec le nez les beats dévastateurs de U can’t tell me nuffin’, Pussyole [old skool] ou du toujours chic Suk my dick, dont les paroles traduisent à peu près cela : « Certains disent que je suis trop bon, mais je m’en tape parce que je suis pas de la merde, alors suce ma bite. Les gens pensent que je prends tout ça à la légère mais je leur dis “allez vous faire enculer” ». Si t’aimes pas mes trucs tu peux sucer ma bite, j’en ai vraiment rien à foutre de ton avis, je suis un putain de génie. J’essaie de bien me comporter, d’être poli. Alors dégage, j’ai pas envie de jouer. » Message reçu, rudeboy.

Par Richard Gaitet Photographie Thomas Corgnet

Maths+English 
Dirtee Stank / XL