Inspirée par Hollywood, les strippers, les cadillacs et la chirurgie plastique, la deuxième collection de Charlie le Mindu, coiffeur des stars excentriques et premier à avoir son défilé, va faire de la perruque un accessoire in-dis-pen-sable. Ah bon, c’est surfait les tirets ?

Charlie_Le_Mindu_by_ManuValcarce

© ManuValcarce

Cela faisait un an qu’on voulait Charlie Le Mindu dans Standard. Il a fallu ce numéro artifice pour aborder son travail en longueur. La semaine précédant cet interview, un reportage lui est consacré dans Sept à huit sur TF1. Zut. Nous avons essayéde comprendre comment, à 24 ans, le succès lui est arrivé si rapidement. La Raiponce se trouve chez Disney, puisqu’on lui doit la chevelure de cette créature et dans cet entretien dont on a coupé les très nombreux [rires]. Imaginez Charlie riant et pétillant devant son Schweppes-grenadine, un jour pluvieux où l’on se dit que les ambitieux intelligents font des convives délicieux à l’heure du déjeuner.

T’as pris quoi ?
Charlie Le Mindu : le poulet coco-citronnelle et une mousse au chocolat.
C’est ton vrai nom ?
Oui, le mindu est une pierre noire en Bretagne, je crois. Mon père est breton, à moitié espagnol, ma mère à moitié belge. J’ai grandi dans le Médoc alors je ne le parle pas breton. Mais je parle allemand parce que j’ai vécu trois ans à Berlin.
Pour le boulot ?
Oui. J’ai commencé à bosser à 14 ans dans un salon de grands-mères à Castelnau de Médoc avant de partir à Bordeaux. Ma prof de coiffure c’était Caroline, la chanteuse de Kap Bambino. Elle est devenue ma meilleure amie. A 17 ans, j’ai choisi Berlin et j’y ai créé le pop-up salon : je coupais les cheveux dans les clubs, de onze heures du soir à cinq heures du matin. J’apportais mon bac, ma chaise, dans les boîtes de nuit. Au début, c’était sur donation, après, 30 ou 40 euros la coupe. Il fallait prendre rendez-vous deux mois à l’avance vu que ce n’était qu’une journée par semaine, au El Rio, le club du mec de Peaches. A 20 ans, je suis arrivé à Londres.
Pourquoi ?
Toucher au monde de la nuit me permettait de coiffer des gens débiles et marrants qu’on ne voit jamais le jour, mais à part ça, Berlin était assez ennuyeux.
Tu continues à Londres ?
Plus en club mais dans les boutiques de luxe ou de jeunes créateurs, comme Machine-A, Tatty Devine, Self Widgets. C’est deux journées une fois par mois, l’agenda se trouve sur les sites des magazines Dazed & Confuzed ou i-D, et on peut y gagner des coupes de cheveux. Pour les filles, c’est 100 livres et pour les garçons, 65. Là encore, à raison de dix personnes par jour, c’est toujours complet. Début décembre, j’ai fait un pop-up salon à Disneyland pour transformer les petites filles en Raiponce.
Pourquoi Disney a fait appel à toi ?
Grâce à mes créations pour M.I.A. et Lady Gaga. Raiponce a la chevelure la plus magique et la plus longue du monde Disney : pour le film, elle mesure huit mètres, et la tresse dans le salon de coiffure du parc, vingt-trois mètres.

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Comment se fait-il que tu aies bossé avec Lady Gaga ?
Elle aimait ce que je faisais sur Peaches. Pour mes shows pendant la semaine de la mode, je travaille avec Anna Trevelyan, sa styliste avec Nicola Formichetti. Elle me demande : « Est-ce que tu peux faire des propositions de trois perruques pour son prochain concert ? » Je leur envoie des croquis. Gaga, j’ai dû la croiser cinq fois. Elle vient du milieu burlesque, donc elle comprend les gens cool et les punks. Elle a changé de carrière pour faire de l’argent et aussi pour ouvrir plus de portes à la mode qu’elle aime. Grâce à elle, les freaks sont mieux acceptés dans la rue ; le problème n’est plus « t’as l’air d’un débile », mais « tu ressembles à Lady Gaga ». Je préfère quand même.
Cette collaboration t’a apporté beaucoup ?
Pas forcément, parce que les gens qui me contactent par rapport à elle veulent du ressemblant, donc je refuse. Je préfère continuer à faire des choses aussi différentes que celles que je fais pour les Pussycat Dolls ou les Ting Tings…
Pourquoi cet obsession  ?
C’est vraiment ma matière préférée depuis que je suis tout petit. J’essaie de faire des cheveux une fourrure pour les végétariens. Tissé, ça rend exactement comme la fourrure de gorille, en mieux puisqu’on n’a pas besoin de tuer. Ça ne passe pas en machine, mais ça se lave très bien avec du shampoing sec. Je suis sûr que ça va marcher ! Je travaille avec des vrais cheveux, venus de Russie. C’est la meilleure qualité, car la couleur est marron clair, blond foncé, et l’épaisseur est énorme. Ils sont très malléables. Les Indiens ont une bonne texture mais sont trop foncés et cassent plus facilement.
On t’appelle le Harry Potter de la coiffure, ça t’amuse ?
Oui, parce que je fais des expériences folles. Je viens de réussir à faire des formes en cuisant des cheveux en fibre au micro-onde. Je me suis fait un bol ! Je n’en ai rien fait, mais ça pourrait me servir plus tard.
Comment travailles-tu ?
Je me lève entre sept et huit heures, je dessine en essayant de me rappeler de mes rêves. Après je mate un film, je m’inspire beaucoup plus du cinéma (Qui êtes-vous Polly Magoo, Zombie Stripper) ou des dessins animés (Family Guy, South Park) que de la mode. Ensuite, je fais du Power Plate, mais ça ne marche pas. Je ne comprends pas, Madonna a un corps de rêve grâce à ça, et moi, j’en fais trois fois par semaine depuis un an : rien ! L’après-midi, je teste des couleurs, j’appelle les copines, je les coiffe. On finit de travailler après minuit en général. Ça prend six heures pour fabriquer une perruque prêt-à-porter en comptant le coiffage. Pour les shows, c’est trois jours, et deux semaines pour les robes en cheveux. J’écoute Cry Baby ou Winona Car ou Wanda Jackson, un peu Cher.

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Un record dont tu es fier ?
Ma perruque la plus lourde : 26 kilos avec un crâne en argile et des capes en tresses. Pour la porter il faut un harnais, qu’on cache sous la cape.
Qui les achète ?
Comme pour la haute couture, mes clientes sont majoritairement arabes ou russes. Parfois je me demande ce qu’elles font avec : des Arabes m’ont commandé les noires avec des croix dessus !
Tu imagines ton parcours si tu étais resté en France ?
Les Français ne comprennent pas la créativité un peu folle, il vaut mieux se faire valider dans un autre pays. En mode, tout est tellement conservateur que je ne pense pas que ma burqa en souris et en rat aurait été acceptée ! Mais si un jour je quitte Londres, ce sera tout de même pour faire de la haute couture à Paris. Petit à petit, je vais y arriver. Je veux remettre au goût des années 10 la haute coiffure de la fin des années 80. Celle qu’on trouvait sur les défilés Dior, Gaultier [avec qui il rêve de collaborer, tout comme avec Chanel et Mugler]. Le succès est loin d’être arrivé.
Ce serait quand ?
Quand je n’aurai plus rien à faire. Quand j’aurai mon île avec tous mes chiens. Une vingtaine de toy poodles [des caniches royaux] que je coifferai. Et plein de prostitués. Mais pour en arriver là, il faut remettre la perruque à la mode, que tout le monde l’accepte comme un petit bijou et en porte.
A commencer par toi, non ?
C’est vrai [rires]. Mais j’en porte parfois. J’en ai quatre, pour les soirées. Des perruques très longues, marron, genre heavy metal. Ou bien pour aller à Camden, rigoler et me foutre de la gueule des punks et des emos. J’en ai une un peu ondulée héhéhé.
C’est mal barré la démocratisation si même toi, ça te fait rire !
Sur les mecs, ce n’est pas pareil. Dans les années 60, les femmes riches en portaient énormément, ça se voyait et ce n’était pas grave, c’était comme un chapeau. C’était certes un objet de luxe, mais surtout un accessoire pour changer de coupe et de couleur tous les jours sans s’abîmer les cheveux. J’en ai marre de toutes ces meufs qui se décolorent, qui viennent chez moi pour que je leur rattrape le carnage.
Pourquoi ça ne se fait plus ?
A cause des drag-queens. De nos jours, si on porte une perruque c’est qu’on est malade ou qu’on prend le risque de ressembler à une drag-queen. Mais c’est en train de changer, je le vois à Londres… j’ai des copines qui ont des bols. D’ailleurs ils en vendent à Top Shop. Le succès va commencer avec les demi-têtes : un gros faux volume derrière et devant, tes cheveux à toi.
Quelles stars en portent ?
Tout le monde ! Céline Dion, Girls Aloud, Cheryl Cole. Il y en a tellement… M.I.A., son marron au carré, on croit que c’est un vrai.
C’est le bon moment pour que ça cartonne ?
C’est toujours le bon moment. Il suffit qu’un créateur y mette tous ses moyens. On redécouvre John Waters jusque-là étiqueté « milieu super underground gay », qui a toujours été créatif en coiffure avec Pink Flamingos [1972] par exemple. Je suis sûr que ça va prendre, c’est même plus facile que de changer de fringues ! Je suis en train de faire des pièces en prêt-à-porter pour les magasins Harrods, des classiques, des carrés en fibre, inspirés des célébrités comme Dita Von Teese [collection disponible en juin].
Tu dessines aussi des vêtements…
Oui. Pour mes shows je fais tout. C’est très défini, mais je ne peux dire que je suis coiffeur, ni que je suis fashion designer. Mon rêve : avoir une Maison Charlie Le Mindu partout dans le monde qui propose des vêtements en cheveux, sans arrêter de travailler sur les perruques.
Quelle est la part de vrai et de faux dans ton travail ?
Le faux : les animaux de mes perruques. Les flamants roses et le caniche ont été sculptés dans la mousse par le DA Alan Davis [collaborateur du British Vogue] et les moutons bleus en polystyrène, volés sur une publicité pour Channel 4. Le vrai : les cheveux de toute ma collection 2010.
Qu’est-ce que tu aimes au naturel ?
Rien. A part certaines drogues. Ma dernière collection est inspirée par Hollywood, les strippers de L.A., tout ce qui est rose, Cadillac, chirurgie plastique… J’aime tout ce qui est vulgaire, les prostituées, même celles qui portent des Ugg Boots. Je me teins la moustache, j’ai sept tatouages dont un « Hollywood » depuis mon dernier show. J’ai fait du Botox et rêve d’y repasser.
Du Botox à 24 ans ?
Oui, je suis trop jeune, ça ne se voit pas en fait, mais ça me fait rire d’être paralysé pendant six mois. J’ai aussi fait des injections de placenta humain. Ça fait du bien. Je ne sais pas si je trouve ça beau mais ça m’intéresse énormément. Pour moi, sculpter la chair, c’est de l’art.
L’artifice suprême ?
Cette mousse au chocolat ?

Dans Standard n° 30 – janvier 2011

Coupé au montage
« – Artifice ? Ouais c’est cool. C’est fun et ça correspond à mon travail.
– Je colore mon chat Dalston en rouge, orange, jaune, rose, comme c’est un Félix, je laisse ses poils noirs en noir.
– Quand j’étais kid, j’aimais bien Ariel la petite sirène et tout ça. »

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