Camille Renversade : 20 000 lieues sous les rêves
Fossiles, empreintes de Basilic et Kelpi naturalisé sont savamment répertoriés dans le laboratoire de Camille Renversade, seul et unique chimérologue connu.
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Jacques Dutronc ? Non, ça ne peut pas être lui, même si le jeune homme qui arrive est un spécialiste des phénomènes étranges, nous ne sommes pas en 1966. Camille Renversade avance vers nous, en copie jeune actuelle – « trop bien, oui, allons déjeuner ! » – du chanteur dont il connaît la ressemblance : « Ça se voit plus maintenant que sur les photos parce que j’ai perdu dix kilos cet été. » [Nous sommes en novembre 2012, nous l’avons rencontré pour Standard n°34, spécial explorateurs.] Il a probablement maigri lors de sa dernière expédition, à bord de son bateau ivre avançant contre les rouleaux de carton-pâte, à la chasse aux mystères. Camille est chimérologue. Un métier qu’il a inventé et dont il est le seul pratiquant – ça plairait à Dutronc.
Camille Renversade est né (à Lyon) trop tard pour découvrir des trésors merveilleux : « J’aurais aimé faire partie de ces scientifiques, chercheurs, photographes, dessinateurs qui, jusqu’à la fin du xixe siècle, partirent à la découverte de nouvelles contrées éloignées, à la recherche d’animaux ou de plantes inconnues. J’aurais aimé, au retour, organiser des conférences, exposer des échantillons dans les cabinets de curiosités. » Alors, il fait comme s’il avait pu mettre la main sur des êtres que personne n’a encore réussi à trouver : animaux fantastiques, monstres marins et autres dragons auxquels se consacre la cryptozoologie. Le Kraken (grand serpent de mer) ou le Bunyeep (le monstre du Loch Ness australien), ce spécialiste les fabrique, en résine la plupart du temps, et monte depuis ses 10 ans des voyages aux préparatifs laborieux, aux viatiques centenaires et aux destinations captivantes. Dans sa chambre d’abord, puis dans l’appartement qu’il investit après ses études de dessin à l’école Emile Cohl.
Sa passion pour le détail historique l’oblige à bricoler les objets et coudre les vêtements qu’il ne trouve pas en chinant : « Je n’ai encore jamais vu nulle part ces gants reliés par une lanière qu’on portait pour les expéditions polaires. » Quand un objet est indispensable pour attraper des créatures mais n’existe pas, il le crée également ; c’est le cas du paralapidescoscope, très belle boîte à miroir qui permet de ne pas se laisser pétrifier face à un Basilic apeuré.
Kraken et Bunyeep
Avec l’« elficologue » Pierre Dubois, célèbre pour ses grandes Encyclopédie des lutins, Encyclopédie des fées et des elfes (Ed. Höebecke), Camille publie Dragons et Chimères : carnet d’expéditions et reçoit le prix Imaginales d’Epinal (qui récompense la meilleure œuvre de fantaisie) en 2009. A 26 ans, il voit sa passion légitimée. Son grand-père, botaniste farfelu qui lui a donné ce goût pour la recherche, disons… surannée, n’est plus là pour apprécier. C’est de lui que Camille a hérité les bocaux, les grimoires ; et chez son autre grand-père, pharmacien et collectionneur d’ouvrages scientifiques anciens, récupéré les vieilles fioles et les microscopes des années 1900. « Je me documente dans des ouvrages comme Mon expédition au Sud Polaire (1914-1917) d’Ernest Shackleton, j’ai même trouvé la première édition, un grand livre vert de 1928. Des films comme La Vie privée de Sherlock Holmes [Billy Wilder, 1970] ou 20 000 lieues sous les mers [Richard Fleischer, 1954] m’ont beaucoup inspiré, respectivement pour le sous-marin en forme de monstre et le calmar géant. »
L’exposition itinérante Cabinet de curiosités s’est terminée en septembre au château de la Tour d’Aigues dans le Luberon. Elle présentait les aventures de Camille Renversade et son équipe (« mon père, mes oncles, et ma sœur qui a fait la femme à barbe dans mon premier livre ») en quatre espaces : le campement des explorateurs, le laboratoire des monstres aquatiques, la mine des dragons et le cabinet de curiosités du Club des Chasseurs de l’étrange. Rien d’intrigant à lever, tout est scrupuleusement inventorié dans de petits carnets jaunis qui deviennent des livres.
L’expo actuelle
Histoires surnaturelles – Les Créatures Fantastiques
Deyrolle, Paris
Jusqu’au 31 janvierLes livres
Créatures fantastiques
Avec Jean-Baptiste de Panafieu
Ed. Petite Plume de carotte, 29,90 eurosMonstres marins
Avec Frédéric Lisak, Ed. Petite Plume de carotte, 2011, 173 pages, 29 eurosL’Herbier fantastique
Ed. Petite Plume de carotte, 2010, coffrets de dossiers, 29 eurosDragons et Chimères : carnet d’expéditions
Avec Pierre Dubois, Ed. Höebecke, 2008, 128 pages, 30,40 euros