Avec David Obadia de BWGH, Brooklyn parle français
Pantalon en laine, pulls en mailles, imprimés liberty : après Brooklyn et son melting pot, la marque parisienne BWGH s’aère dans les landes brumeuses du Nord-Est écossais. Getting top.
Les murs bleu Klein évoquent la quiétude méditerranéenne, le marquage au sol rappelle les gymnases, la bande de galets et les cactus sont dignes d’une galerie d’art, quelque part entre l’océan Pacifique et le désert du Sonora. C’est pourtant à Paris, dans la lumineuse boutique éphémère de BWGH aux Docks, Cité de la Mode et du Design, que David Obadia raconte comment la ligne de T-shirts sérigraphiés, fondée avec son ami d’enfance Nelson Hassan en (mai 2010), s’est développée en un vestiaire homme complet. Après plusieurs collaborations – dont le pull Brooklyn parle français avec colette –, ils annoncent leur association avec « un géant du sportswear ». Discret pour l’instant sur la dizaine de chaussures et les soixante-dix pièces vestimentaires qu’ils vont produire en édition limitée, David prévient « Il y aura de la bouclette, c’est notre marque de fabrique.» [Depuis l’entretien, on sait qu’il s’agit de Puma]
Les créations de Brooklyn We Go Hard, géographiques et multiculturelles – « Nous avons choisi ce nom parce que Brooklyn est l’endroit le plus multiethnique au monde. » – pourraient être répertoriées sur une mappemonde. Après les États-Unis et l’Italie, ce sont les souvenirs des côtes gaéliques qui parent les cent vingt pièces de cet hiver. Stonehaven, du nom d’une ville de campagne entre les highlands et les lowlands, s’inspire d’une partie de l’Europe encore sauvage. « Nous avons travaillé sur des lainages, créé des vestes en croûte de veau, opté pour des coloris sombres : kaki, prune et marron ». Quand deux citadins s’attirent les faveurs de la nature, comme des bons fils d’Écosse, ça donne des pièces à la fois brutes et fines, la plus forte étant une chemise avec des cols… de montagnes.
Qui êtes-vous BWGH ?
David Obadia : Je suis David, 24 ans born and raised à Paris ! Mon associé, Nelson Hassan, aussi. Amis d’enfance, on ridait ensemble. Nous avons tous les deux une passion pour l’art et le vêtement. Il était naturel d’associer les deux. Ces intérêts ne sont pas nés par hasard : les parents de Nelson travaillent dans le textile, mon père était dans le prêt-à-porter et ma mère a toujours évolué dans le monde de l’art.
Sorti de l’école de commerce Paris-Dauphine, comment es-tu venu à la mode?
J’ai suivi une formation en marketing… qui conduit souvent à intégrer de grandes maisons. Mais ce n’est pas mon truc. J’étais fou de basket et j’observais la culture de rue dans mon quartier, à Montmartre. J’ai commencé en stage chez Pigalle, en tant qu’assistant de Stéphane Ashpool [le fondateur]. Cette expérience m’a donné l’envie d’aller plus loin, de créer ma propre structure. Nelson avait quelques contacts, et nous avions des idées. Nous avons réuni des photographes que nous apprécions en un collectif, et nous nous sommes servis du T-shirt comme support pour diffuser leurs œuvres. On fait vivre un projet multiculturel – une marque, le collectif, et un magazine semestriel – qui accompagne chaque collection.
David Obadia : « BWGH est bien plus qu’une série de buzz. »
Le concept a fonctionné tout de suite ?
Le premier distributeur à nous avoir fait confiance est Le Bon Marché. Pendant deux mois, on y a exposé les tirages encadrés et numérotés de six artistes, et vendu les T-shirts qui reprenaient ces photos. On bossait chez nous, on livrait les produits nous-mêmes. C’était une période à la fois captivante et épuisante; il nous est arrivé de nous endormir dans notre dépôt, après quinze heures de préparation de cartons. Cela a pris de l’ampleur après le salon Tranoï [juin 2010] : cinquante points de vente se sont ouverts à nous, parmi lesquels de prestigieuses boutiques comme Antonioli à Milan, Urban Research à Tokyo, Roden Gray à Vancouver, Pigalle à Paris… Progressivement, nous avons développé des collections de plus en plus complètes. Aujourd’hui, nous diffusons dans plus de trois cents points de vente dans le monde, un vestiaire complet.
BWGH s’est aussi fait connaître par énormément de collaborations…
Travailler avec des enseignes aussi réputées que colette, Kitsuné ou Opening Ceremony [concept store basé à L.A. et présent à New York, Tokyo…] était un rêve. J’ai harcelé Colette par mails pendant des mois et puis un jour elle m’a pris des T-shirts qui ont marché. On a produit un pull : colette parle français. Elle en avait commandé quatre-vingt et en a vendu cinq cent en moins d’un mois ! Le Bon Marché nous a demandé un T-shirt pour leurs cent soixante ans. J’ai alpagué Gildas [Loaëc] de Kitsuné et je lui ai offert un pull moutarde : le lendemain, son assistant m’a appelé pour me proposer une collab’. Ces opérations ont eu du succès et les projets continuent de s’enchaîner : nous avons produit quatre sweats pour Club 75, travaillé sur le projet Bleu Blanc Clot avec la marque du même nom, et réalisé plusieurs pièces avec Larose, Hypebeast ou encore Ronnie Fieg pour Kith.
Peur de retomber un peu, après cette série de buzz ?
On ne peut pas parler de peur. On n’est jamais assuré de rien, et il faut garder les pieds sur terre, c’est certain. Mais BWGH est aujourd’hui bien plus qu’une série de buzz. Ses succès, son travail de création et sa recherche d’une plus grande technicité ont créé de l’affect et de la notoriété. Les bases sont solides et nous connaissons davantage nos forces et nos faiblesses, et c’est ce qui permet de regarder résolument vers l’avenir.
BWGH
En vente chez colette, Le Bon Marché