Toulousain basé à New York, Antoine Catala intrigue avec Il était une fois…, un rébus en sculptures mécaniques à déchiffrer à la biennale de Lyon.
Antoine Catala E.T. Il était une fois

Vue d’installation dans son atelier new-yorkais. E.T. au doigt trompeur est le verbe de Il “était” une fois… Photographie ioulex.

Vous avez étudié les math avant l’art. L’envie est survenue pendant une équation ?
Antoine Catala : Le désir d’une carrière artistique précédait les mathématiques. J’étais tenté par le cinéma, mais diriger une équipe, trouver des budgets, me rebutait. Alors j’ai fait des calculs en solitaire à l’université à Toulouse pour faire plaisir à ma famille. Mon père était un scientifique brillant. J’ai beaucoup aimé, mais n’étais pas sûr de ce que je voulais. Au milieu de mes hésitations, j’ai bifurqué vers une école d’ingénieur du son à Londres puis une école d’arts à l’université London Guildhall. Il me reste des sciences l’idée de système. Les images ou les couleurs sont moins importantes, ce qui compte c’est comment fonctionnent les plateformes que je mets en place.

Pour votre installation au MAC de Lyon, vous utilisez la célèbre introduction aux contes « Il était une fois… », pourquoi ?
C’est la première phrase à laquelle j’ai pensé. J’ai voulu en trouver une autre. Mais elle se compose de façon tellement jolie et cohérente qu’elle m’a conquis. Je l’ai déconstruite en cinq éléments : une île, E.T. l’extra-terrestre, la lune juxtaposée à la lettre « l » barrée, un foie et l’ellipse des points de suspensions. Soit cinq sculptures.

Comment passez-vous du mot à l’image puis de l’image à l’objet ?
Toutes mes recherches se font sur internet, je choisis des images génériques, qu’on peut voir partout. Le rébus fait coller une image directement à des mots. Donc je passe plutôt du mot-image à l’objet. Comme si on « pensait » comme une machine. Comme Google qui, avec un mot, livre un mur d’images. Cette magie me plaît. Pour l’insuffler, j’utilise des illusions rudimentaires : un système de chambre à air gonfle une surface ronde sur laquelle est projetée une image de la lune. Quand elle se dégonfle, apparaît la lettre « l » barrée pour faire deviner le « une ». Ensuite, un humidificateur industriel projette de la vapeur d’eau froide qui prend du volume et devient un autre écran de projection sur lequel apparaît l’île. Quand on se déplace, l’image se brouille, ça a un côté féérique. A part le foie tout est cinétique, bouge, pour insister sur l’idée de métamorphose.

On pense à Georges Méliès et aux premières fictions du cinéma…
Évidemment j’adore Méliès et, pour citer quelqu’un d’aujourd’hui, l’artiste nantais Pierrick Sorin burlesque et grinçant, dont je m’inspire pour les hologrammes. Mais ce qui m’intéresse avant tout, c’est la spatialisation, l’image sort de l’écran pour devenir un objet et une relation physique.

Cela évoque l’Américain Joseph Kosuth et sa célèbre chaise (One and Three Chairs, 1965), accompagnée de sa définition et d’une photo d’elle prise à l’endroit où elle est exposée…
J’ai beaucoup aimé cette œuvre conceptuelle quand j’étais en école d’art, mais je pense plus à la génération de la fin du XXe siècle, comme Mike Kelley, Jim Shaw ou Matt Mullican, pour leur univers fantasmagorique un peu psychédélique construit à base d’images pauvres, laissées pour compte.

Vous avez fait des études en Angleterre et vivez aux États-Unis, qu’est ce qui motive vos déplacements ?
J’ai aussi vécu à Berlin en 2002, 2003. New York, j’y suis pour ma petite amie. J’y ai rencontré des artistes regroupés autour d’une jeune galerie, 47 Canal, sur Canal street. Maintenant ça marche pour nous tous, mais on est parti de rien. On a créé une communauté parce que personne ne nous exposait. Notre amie Margaret Lee a ouvre une galerie. Juste après le crash immobilier de 2008, elle a négocié le droit d’utiliser un grand espace pour montrer des œuvres, en contrepartie, elle louait les autres locaux vides de l’immeuble à des artistes. C’était au 179 Canal street. Du monde venait aux vernissages, il y avait une énergie géniale. Evidemment, quand ça a commencé à marcher le propriétaire a demandé des sommes faramineuses et on a perdu cet espace fabuleux qui est devenu une salle de mahjong. Mais Margaret a pu rouvrir quelques numéros plus loin.

Vivre là-bas, cela influence votre travail ?
Je me vois comme un étranger qui regarde de l’extérieur vers l’intérieur. Beaucoup de mes travaux traitent de la télé, qu’on voit partout ici (TV Show, 2009, qui projetait en direct les programmes des grandes chaînes, le son et l’image déformés). Mais la dernière exposition que j’ai faite à 47 Canal était un rébus, or, les jeux de langage sont très français. Ce qui m’intéresse en ce qui concerne les images et le langage, c’est la banalité. Une notion qui varie selon les pays et dont il faut du temps pour s’imprégner. Je ne pense pas que ma façon de faire soit française, de toute façon je cherche à ce qu’elle soit globale et plate.

Antoine Catala
Au MAC, Biennale de Lyon
Jusqu’au 5 janvier