Carte blanche théâtre
André. Le tennisman.
Par Anais Demoustier, dans Standard n° 37

Au commencement, il y a la surprise amusée de découvrir que ce sera bien Agassi le héros de ce spectacle… Puis il y a le rire en découvrant que son interprète n’est autre qu’une jeune femme, frêle et gracieuse, la brillante Marie Rémond. Avec elle, les pas moins excellents Sébastien Pouderoux et Clément Bresson ont écrit la pièce. Les deux acteurs se partagent le beau monde qui entoure André tout au long du spectacle : il y a entre autres Phili, son frère qui rêve d’être tennisman mais qui ne sait pas tenir une raquette ; Mike, son père un peu trop volontaire quant à la carrière du petit André ; et Brooke Shields, sa compagne qui, elle, a bien vu qu’André était chauve sous sa perruque !

andre agassi © andre giovanni cittadinices

© andre giovanni

Ce spectacle fut pour moi un plaisir inouï. Il aborde avec finesse et drôlerie les doutes que traverse André Agassi, lui qui pratique mais déteste le tennis. Le héros est ici malhabile, peu en phase avec ses désirs, et incapable de faire ses propres choix… La puissance d’évocation de ce spectacle fait de cette histoire singulière celle de tous. Il nous met subtilement face à nos contradictions, nos maladresses, et ainsi face à l’absurdité souvent tragi-comique de nos actes. A travers André en proie à ses doutes, j’ai vu les miens et ceux de tous les acteurs. Ainsi, sous les perruques et les lunettes de soleil, ce drôle de spectacle se révèle grave, libre et poétique.

Ce fut aussi pour moi l’occasion de voir trois acteurs talentueux jouant véritablement ensemble, s’adressant avec intelligence, sincérité et humour à un public qu’ils ont voulu dans la lumière, sur un plateau quasiment nu. Ils parviennent à rendre théâtral un match de tennis ou une séance d’entraînement. Semblant s’opposer radicalement à l’idée du biopic, ils inventent ou décalent volontairement certaines situations afin de trouver l’espace dans lequel le théâtre peut rencontrer ce héros et sa vie. C’est ainsi qu’adviennent la poésie et la fantaisie. Et lorsque tous trois nous chantent « les gens qui doutent » en fin de spectacle, la magie a opéré… La grâce est si rare au théâtre, mais elle a parfois l’air si simple à atteindre…

André
Un spectacle de Marie Rémond
En tournée en 2013 à Compiègne, Lons-le-Saunier, Bordeaux, Valence, Petit-Quevilly, Paris…

 

Entre une actualité ciné chargée – Thérèse Desqueyroux de Claude Miller (le 21 novembre), Le Secret de Loulou, un film d’animation d’Eric Omond et Grégoire Solotareff, et Bird People de Pascale Ferran (en 2013) –, Anaïs Demoustier jouera sur les planches une Marguerite Duras vive et espiègle aux côtés de Ludivine Sagnier, Brigitte Catillon, Julien Honoré… dans Nouveau Roman de Christophe Honoré, l’un des beaux succès du Festival d’Avignon. A découvrir au Théâtre de la Colline à Paris du 6 novembre au 8 décembre, puis en tournée dans toute la France.