Agathe Bonitzer : « S’adapter à son milieu, ça prend du temps »
Vous pratiquez la danse classique depuis l’enfance. Cela sert-il pour jouer, comme dans A moi seule, une jeune fille séquestrée, au corps contraint ?
Agathe Bonitzer : Au cinéma ou au théâtre, la danse m’aide de manière générale, ne serait-ce que pour réguler l’énergie – ou en retrouver lorsqu’on la perd. Mon personnage, Gaëlle, est peu habituée à l’espace, néanmoins elle m’apparaissait, à la lecture du scénario, comme une jeune fille toute en muscles, comme si la séquestration l’avait a contrario rendue plus vive, spontanée, dynamique. Elle a aussi ce corps ordinaire des adolescents : expressif d’un certain malaise de l’identité, en pleine recherche de soi. La danse fonctionnait comme un outil complémentaire au travail du corps, notamment pour les « cascades » (lutte, gifles…), et les scènes de course.
Le film raconte aussi une réadaptation à son milieu. Vos parents, Pascal Bonitzer et Sophie Fillières, sont cinéastes. Avez-vous déjà eu envie de fuir cet univers ?
Le cinéma est en effet un univers familier, mais continue de me faire rêver. Je n’ai jamais eu envie de le fuir, il ne m’a jamais paru pesant : au contraire, avoir grandi dans ce milieu a été un privilège. De plus, d’autres univers auxquels je suis tout autant attachée s’y mêlent : la littérature – et les études de lettres –, la danse, le dessin, ou la mode. Il me semble qu’être actrice permet précisément cette perméabilité artistique. D’autre part, la vie est telle qu’on cherche sa place en permanence, et c’est ce que montre Gaëlle qui, libérée, se sent tout aussi aliénée, voire plus ! S’adapter à son milieu, ce n’est pas qu’une histoire de famille, c’est une histoire avec soi. Ça prend du temps.
Le réalisateur, Frédéric Videau, joue sur l’ambivalence des points de vue, sans être moraliste. Que vous inspire ce choix ?
Avec un tel sujet [inspiré de l’histoire de Natascha Kampusch], il ne pouvait pas faire un film moraliste, ni immoral d’ailleurs, ça n’aurait rien apporté. L’emprise que chacun des protagonistes a sur l’autre me paraît plus juste dès lors qu’on est dans la fiction. Sinon on tombe dans le voyeurisme, ou le procès, qui appartiennent au documentaire, au journalisme.
A moi seule s’écarte totalement d’un aspect « fait divers ». Les lisez-vous ?
Pas vraiment. Je lis plutôt les petites annonces, les actes de naissance et de décès… Filmer l’aspect macabre ou pathétique d’un fait divers, au premier degré, ne me semble pas intéressant. En revanche, un réalisateur peut se l’approprier : tout dépend de l’écriture.
A moi seule de Frédéric Videau, en salles.